Enseignement supérieur : une bulle de plus

La crise financière de 2008, qui a initialement été peu ressentie en France, a violemment touché de nombreux autres pays. La City de Londres s’était presque figée pendant plusieurs mois. Un semblant de tempête cyclonique est passé sur un nombre important d’entreprises américaines. Effrayés par cette crise financière et la « Great recession » qui l’a suivie, nombreux étaient les étudiants qui ont retardé leur sortie dans le monde du travail en prolongeant leurs études. Ils étaient rejoints par des masses d’adultes qui ont décidé de reprendre des études, suite à la perte de leur emploi, ou dans un souci d’anticipation ou de prévention.

Suite à cela le monde de l’éducation supérieure, et notamment de l’éducation pour les adultes, a subi une énorme inflation. L’afflux des étudiants a poussé des établissements d’enseignement supérieur et professionnel à augmenter leurs tarifs. Nombreuses étaient les structures qui, pour améliorer l’image marketing de leurs produits d’enseignement, se sont précipitées pour donner des noms plus attractifs à leurs diplômes.

Prenons l’exemple du prestigieux diplôme du MBA – Master of Business Administration. Créé aux États-Unis à la fin du XIXe-début du XXe siècle, ce diplôme visait la préparation des cadres dirigeants pour les entreprises, et offrait l’enseignement des matières les plus pertinentes pour la compréhension de l’analyse du management et de la stratégie des entreprises. Très prestigieux et coûteux, ce diplôme procurait, pendant des décennies, une assurance « tous risques » pour une évolution professionnelle que le diplômé souhaitait.

Compte tenu de la renommée mondiale du trigramme « MBA », soudainement, après 2008, d’innombrables formations du niveau Master, proposées un peu partout, ont commencé à s’appeler « MBA ». Une personne de mon entourage a dit à moitié sérieusement à cette époque : « Maintenant il faut créer un MBA pour comprendre lequel des MBA choisir ».

La parenthèse à insérer ici est que notre système d’éducation ne nous apprend pas à prendre des décisions. Il faut, justement, intégrer un MBA pour avoir droit à un cours du type « Decision-making » (enseigné, par exemple, par le Professeur de l’Université de Chicago Richard Thaler, le Prix Nobel de Sciences Économiques 2017), à moins que, grâce à votre curiosité intellectuelle ou au hasard pur, vous ayez lu quelques livres sur le sujet, qui sont d’ailleurs rarement traduits en français. Pourtant, c’est le type de matières qui devraient être enseignées à l’école. Fermons la parenthèse en réfléchissant aux nombreuses situations dans notre vie et dans notre travail, où nous n’avons pas su prendre une décision appropriée à la situation…

En revenant vers les formations d’adultes et en abordant le sujet de manière pragmatique, on peut dire que l’on n’achète pas un produit uniquement à cause de son prestige, surtout à partir d’un certain niveau de prix. Le même raisonnement est applicable à un diplôme, qui, à son tour peut être considéré comme un produit d’investissement. Ce qui signifie qu’il faut choisir une formation non pas parce qu’elle a un nom « qui fait bien », mais surtout parce qu’elle répond à vos besoins, elle correspond à vos objectifs. En conséquence il faut d’abord savoir définir vos objectifs…

Ce raisonnement me fait penser à un échange que j’ai eu avec un homme d’une quarantaine d’années, qui m’a honnêtement avoué qu’il était très insatisfait par les études de MBA qu’il a effectuées dans une prestigieuse école de commerce parisienne. Il ne reprochait rien à son école, qui a livré ce qui a été promis. Il regrettait son choix personnel et quelques dizaines de milliers d’euros de ses économies dépensés pour financer ce MBA. Il s’avère qu’à l’origine, cet homme souhaitait faire sa formation dans une école qui se trouvait dans une lointaine banlieue parisienne. Or sa famille l’avait convaincu que les heures de trajet et l’effort associé ne conviendraient pas à son rythme de vie. À la place il a choisi une école qui se trouvait quasiment aux pieds de l’immeuble de bureaux où il travaillait et à quelques stations de métro de son domicile, et qui coûtait un peu moins cher que l’école qui lui semblait le mieux convenir à ses objectifs et à sa personnalité…

Maintenant imaginez l’amertume que vous traînez pendant des années (voire toute votre vie), et le regret d’avoir investi deux années de votre vie et quelques dizaines de milliers d’euros dans une formation qui, finalement, ne vous convient pas…

J’ai pensé à cet exemple lorsqu’il y a trois ans j’ai conseillé le fils de mes amis de faire un MBA à la Cass Business School, plutôt que d’aller chez l’un des leaders mondiaux. Ce conseil n’avait rien à voir avec ses compétences ou ses moyens. Seulement, quand cet homme me parlait de ses ambitions et de ses rêves, cette école semblait y correspondre le mieux. D’après les dernières nouvelles il est enchanté et épanoui grâce à ce choix, et il a obtenu son diplôme avec mention.

Laissons de côté les MBA. Souvent il m’arrive de penser assez sérieusement que si vous voulez faire une formation diplômante permettant d’évoluer, de changer de carrière ou de réfléchir à votre prochaine stratégie professionnelle, il vous faut trouver un établissement qui a osé ne pas mettre les lettres « MBA » dans le titre de sa formation. Généralement ce sont les Masters spécialisés, notamment les Master exécutifs. Par exemple, au lieu de prendre un « MBA de luxe » ou un « MBA en digitalisation », prenez un Master spécialisé en luxe ou un Mastère spécialisé en digitalisation. Vous obtiendrez le même niveau de compétences, un bon réseau et cela vous coûtera moins cher.

 

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Lara STANLEY

Lara STANLEY écrit les analyses centrées essentiellement sur les sujets de l’économie, la finance et la société. Ayant travaillé dans les domaines de développement,...

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