FED aux marchés : Je t’aime, moi non plus -1

“C’est ce que j’ai dit, ou c’est ce comment je l’ai dit qui t’énerve?”

Nous avons déjà tous posé ce type de question à l’un de nos proches. Elle est tout à fait légitime, car il y a plus de 50 ans la recherche scientifique empirique a démontré que plus de 90% de communication concernant nos attitudes et nos sentiments est non-verbale.

Dans les articles, décrivant ses travaux de recherche et publiés en 1967, Albert Mehrabian, professeur à l’UCLA a déduit ce que nous appelons maintenant la règle de 3V. Cette dernière stipule, que lorsque vous parlez de vos sentiments ou de votre état d’esprit, pour toute personne qui vous écoute

  • 55% de l’information sont issus de la communication visuelle (l’expression de votre visage et du langage corporel)
  • 38% de l’information proviennent de la communication vocale (intonation et son de la voix)
  • 7% – des mots que vous prononcez (la signification de ces mots).

Toute personne qui a vécu en couple sait que l’on peut interpréter des mots simples comme « peut-être », d’innombrables façons. L’interprétation dépendra de soupir, de regard, de sourire et d’intonation qui, en plus, auront la signification différente en fonction de la personne que vous avez en face : un adolescent de 13 ans, une femme de 35 ans ou un homme de 65 ans… Et si vous ne parvenez pas à détecter toutes les nuances – gare à vous !

Les rares communications dénudées de cette complexité sont les communications officielles. Prenons la FED, la Reserve Fédérale Américaine. Les rédacteurs de ses communiqués parviennent à supprimer jusqu’au 90% de sentiments humains et d’ambiguïté éventuelle de l’état d’esprit. Ceci est assez admirable, car procédant ainsi la FED va droit au cœur du sujet.

Ceci ne veut pas dire que je vous suggère d’engager une relation romantique avec la FED. Elle a beaucoup d’imperfections. Pour commencer, il faudrait la rendre public (et, oui, la FED c’est un organisme privé), il faudrait la faire définir les règles claires concernant son taux directeur et les lignes directrices à suivre lors d’une contraction ou une expansion économique, ainsi que la politique monétaire associée.

Dans chaque relation il y a deux parties. Tout investisseur retient son souffle à chaque intervention des représentants de la FED. Or, cette dernière est actuellement plutôt dans la position « Je t’aime, moi non plus, même si nous avons eu du bon temps ensemble ».

Ce que la FED dit

Remontons au temps d’Alan Greenspan, le très médiatisé, à une certaine époque, Président de la FED. Il est devenu particulièrement connu après une intervention auprès de Congrès américain, où il a dit que si ses paroles semblaient être clairs, cela signifiait qu’il a été mal compris.

Cette politique a changé à l’époque de Ben Bernanke, qui a fixé pour objectif de donner un peu plus de transparence aux marchés. Cet objectif n’est pas étonnant, car à l’époque la FED (et la
Banque Centrale Européenne par la suite) a commencé à imprimer des trillions de dollars inondant le marché suite à la crise financière 2007-2008.

Au cours de dix dernières années les investisseurs ont été frustrés à entendre les arguments contenus dans les interventions de la FED, parsemés de termes comme « fortement dépendant de données », « persistance du niveau bas de l’inflation », lorsqu’ils parlaient de manque d’une direction claire dans l’économie. Elle utilisait l’ambigüité afin de garder le même rythme que ses machines à imprimer des dollars et les mécanismes à acheter des obligations, tout en gardant les taux directeurs proches de zéro et le droit de changer la direction à tout moment.

La force économique la plus puissante de la planète disait, essentiellement, qu’elle ne savait pas ce qui nous attendait.

Avouons-le, ces actions et ces messages de FED ont été ennuyeux. Elle n’avait aucune idée sur quoi, quand et comment, mais au moins elle était claire à ce sujet.

Les représentants de la FED ont changé leur discours pendant le mandat de Janet Yellen. A l’automne 2014, en remarquant la diminution de risque de déflation et la baisse du chômage, la FED a cessé d’ajouter des zéros à son bilan.

Après 5 ans d’intervention sur les marchés et $4.48 trillions imprimés, les banquiers centraux croyaient qu’ils peuvent arrêter d’intervenir, car l’économie va continuer à s’améliorer.

Après avoir tenu le taux directeur proche de zéro pendant sept ans, la présidente Yellen a remarqué que les marchés peuvent supporter une légère hausse du taux directeur. Elle a annoncé que Fed Open Market Committee (FOMC) comptait remonter le taux de la plage 0% vers 0,25%, ensuite vers 0,5% dans un avenir proche.

La première hausse des taux a eu lieu en décembre 2015 et devenue l’opération la plus médiatisée de l’histoire de la FED. A cette époque cette dernière est déjà passée de l’injection massive des liquidités vers le status quo. Alors, la hausse des taux a marqué le changement majeur dans sa vision de l’économie américaine et le passage vers le resserrement monétaire.

La FED a pu changer le positionnement de sa politique monétaire, car le débat a changé. Les banquiers centraux ont commencé à croire que l’économie se stabilisée, ou, même, se renforcée. Ils avaient raison. Lorsque l’on regarde leurs deux principaux mandats qui consistent à maintenir les prix modérés et le chômage minimal, la situation de l’époque semblait d’être en cours d’amélioration. L’inflation restait, effectivement, très basse, bien en-dessous de l’objectif de 2% fixé par la FED. Le niveau de chômage continuait à baisser. Ainsi, conformément à son propre système de mesures, la FED a réussi sa mission.

Maintenant les banquiers centraux ont à nouveau changé leur discours. Leurs derniers propos ne mentionnent plus la création de la stabilité et le combat contre la déflation. Maintenant ils parlent de la croissance, de la montée de l’inflation, et la surchauffe potentielle de l’économie. Ainsi, une fois de plus, les représentants de la FED ont été clairs en disant exactement ce qu’ils comptent faire, et ensuite, en passant à l’acte.

A partir de début 2017, la Présidente Yellen soulignait que la FED pourrait sortir du marché des obligations en réduisant son bilan comptable.

Jusqu’à alors, les gouverneurs de la FED réinvestissaient les produits de vente des obligations dès que ces dernières arrivaient à la maturité, en gardant, ainsi le bilan comptable de la même taille. Ils ont décidé de réinvestir moins de procédés de la vente des obligations matures, et à un rythme moins soutenu.

En décembre 2017 la FED a réinvesti $10 milliards de moins de procédés de vente des obligations matures, que ce qu’ils ont reçu. Elle va continuer à réduire ces réinvestissements de $10 milliards par mois, en augmentant ce montant de $10 milliards par trimestre. A partir de décembre 2018 elle planifie de réduire son bilan comptable au rythme de $50 milliards par mois.

Ce que veut réellement la FED

Depuis la crise financière la FED était claire à propos de ses objectifs. A partir de la fin 2008, les banquiers centraux voulaient ajouter de la liquidité aux marchés financiers en soutenant les grandes banques et institutions financières.

Afin de promouvoir l’activité économique, la FED a réduit le taux directeur à court terme à zéro. Au début de 2009 la FED a commencé à acheter les obligations, ce qui a installé une sorte de planché sous le marché obligataire. Ce fait a également tiré vers le bas les taux d’intérêt à long terme et a relancé le marché gelé des obligations hypothécaires.

Les représentants de la FED ont été honnêtes lorsqu’ils ont remarqué que leur politique a boosté le marché des actions et a initié le mouvement des fonds hors de marché obligataire. Ce dernier avait le rendement moins élevé que le marché plus risqué des actions. La FED a également souligné que son implication a fourni un certain niveau de soutien aux entreprises, démontrant que la FED suivait systématiquement et méthodiquement sa politique de stimulation de la croissance économique.

L’ancien président de la FED, Bernanke, est allé aussi loin dans ses constats, qu’il a remarqué que les revenus des retraités ont baissé suite à la politique « du taux zéro » menée par la FED. Il a reconnu cette perte, tout en notant que ce type d’investisseurs a été compensé par ailleurs à travers la croissance économique. Difficile d’imaginer que ses paroles ont réconforté les retraités. Elles n’ont certainement pas aidé à payer pour la nourriture et le chauffage.

Tout cela indique à la même chose : les marchés financiers en bonne santé dans une économie en croissance. En tant que gardien de la devise monétaire américaine, la FED doit passer par une ligne étroite entre l’intervention et la surveillance.

Lorsque la crise financière a éclaté, la FED a sauté avec les deux pieds, dans l’intervention totale, et elle y est restée pendant dix ans.

Le marché obligataire et les institutions financières étant réparés, et le deux objectifs du mandat de la FED, les prix modérés et le chômage bas, étant atteint. Maintenant les banquiers centraux sont prêts à abandonner le mode « intervention ». Ils sont sur le point de revenir vers leur activité principale : ajustement, à la marge, des taux d’intérêts.

C’est le moment pour la Réserve Fédérale de démêler et de réduire la plus grande intervention de l’histoire des banques centrales. Et ce fait pose un grand problème aux marchés financiers.

Les investisseurs ont remarqué que la hausse des taux des intérêts a provoqué des ventes massives des actions en janvier et au début février. Mais ils croient encore en ce qu’ils appellent « Bernanke put », et ensuite « Yellen put », en espérant qu’ils peuvent compter sur « Powell put ».

Les investisseurs semblent croire que si le marché financier souffre d’un revers, la FED va intervenir pour renverser le cours des évènements, ou, au moins, appuyer sur « pause » et laisser les marchés de reprendre leur souffle.

Bien que cela a eu lieu dans le passé, la majorité des investisseurs se trompe, en ce qui concerne la réaction éventuelle de la FED aujourd’hui. Par conséquent, ils vont perdre de l’argent en attendant l’intervention de la FED qui n’aura pas lieu.

Les opinions exprimées par les contributeurs de Vues & Revues leur sont propres et peuvent ne pas correspondre ceux de Vues & Revues.

Source de graphs – https://dentresearch.com/

 

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Edouard DE BERLEAU

Édouard DE BERLEAU est un expert du domaine de la finance et tous les sujets connexes. Il a travaillé dans des grandes institutions et...

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