Au-delà des statistiques : chômage des jeunes en Europe

Le dernier rapport de l’Eurostat, Eurostat Unemployment Report peut difficilement être nommé « optimiste ». Alors que pour la totalité des 27 pays de l’UE le taux de chômage est de 11% (12,2% pour la zone euro), le paysage est assez différent pour le chômage des jeunes. Il continue d’augmenter par rapport aux mois précédents et représente 23,1% (23,9% pour la zone euro).

L’écart entre les six pays avec le taux de chômage des jeunes le plus bas:

  1. Allemagne 7.6%
  2. Norvège 8.5%
  3. Autriche 8.7%
  4. Pays Bas 10.6%
  5. Danemark 11.6%
  6. Islande 11.9%

et les six pays avec le taux de chômage le plus haut est très significatif:

  1. Grèce 59.2%
  2. Espagne 56.5%
  3. Croatie 52.1 %
  4. Portugal 42.1 %
  5. Italie 38.5%
  6. Chypre 34.8%

Pour comparer: le taux de chômage moyen des jeunes aux Etats-Unis est de 16.3 %.

Plus que toutes les déclarations et les discours ces chiffres démontrent la situation économique réelle de chaque pays Européen, tout comme les perspectives de leur développement et leur stabilité.

Ce qui est encore plus intéressant, c’est d’analyser séparément les statistiques concernant les jeunes femmes et les jeunes hommes :

20130711_EU youth unemployment_mwEn regardant plus en détails, on remarque, toutefois, que l’ordre des pays dans la liste ne change pas significativement, qu’il s’agisse du haut ou du bas du classement.

Pour les pays avec le niveau de chômage le plus bas on retrouve les mêmes:

Pour les jeunes femmes: Pour les jeunes hommes:
1.       Allemagne 6.8% 1. Allemagne 8.2%
2.       Norvège 7.2% 2. Autriche 8.8 %
3.       Islande 8.5% 3. Norvège 9.9 %
4.       Autriche 8.6% 4. Pays Bas 10.8 %
5.       Malte 8.8% 5. Danemark 13.4%
6.       Pays Bas 10.5% 6. Malte 14.7 %

Et en regardant le classement à partir du bas, en prenant les pays avec le taux de chômage le plus élevé, nous obtenons:

Pour les jeunes femmes: Pour les jeunes hommes:
1.       Grèce 65.7% 1. Espagne 58%
2.       Croatie 55.6% 2. Grèce 53.7%
3.       Espagne 54.7% 3. Croatie 49.8%
4.       Portugal 45.4 % 4. Portugal 39.3%
5.       Italie 40.6% 5. Italie 38.2%
6.       Chypre 34.7% 6. Slovaquie 37.9 %

Toutefois, des deux cotés les chiffres sont plus extrêmes pour la population féminine. Leur taux de chômage est plus bas dans les pays avec le taux de chômage moins élevé : 6,8% pour les jeunes femmes en Allemagne vs. 8,2% pour les jeunes hommes allemands ; et leur taux de chômage est plus élevé dans les pays avec le taux de chômage très haut : 65,7% pour les jeunes femmes en Grèce contre 53,7% pour les jeunes hommes grecs.

Plus généralement, il semble qu’il existe une tendance du taux de chômage plus élevé pour les femmes (à l’exception de l’Espagne) dans les pays où la récession économique est plus profonde.

20130711_EU youth unemployment_wL’exception espagnole indique la nécessité d’avoir des données plus détaillées, pays par pays, concernant la population considérée. Toutefois ceci s’avère être une mission impossible à l’heure actuelle. Par exemple, structurellement, le taux de femmes impliquées dans la vie professionnelle active est plus bas en Allemagne qu’en Espagne. L’une des raisons de cela provient du fait que l’Allemagne n’a pas de politique gouvernementale permettant d’avoir des structures d’accueil des enfants en âge préscolaire. Ainsi, dès que les femmes allemandes approchent leur âge de procréer, elles se retirent automatiquement de la vie professionnelle active, afin de pouvoir s’occuper de leurs enfants. Du côté opposé, l’Espagne a le plus haut taux d’implication des femmes dans la vie professionnelle, et, par conséquent, le taux de chômage des femmes le plus élevé.

20130711_EU youth unemployment_mEn continuant à regarder derrière les statistiques apparentes, nous trouvons que les statistiques de certains pays ne correspondent pas exactement à la définition du chômage donnée par l’Organisation Internationale de Travail en 1982:

Une personne en âge de travailler (15 + ans) est considérée comme « sans emploi » / « au chômage » si elle / il remplit toutes les conditions suivantes :

  1. Il/elle n’a pas travaillé (même pendant 1 heure) pendant la semaine de référence ;
  2. Il/elle est disponible pour commencer un travail au cours de 15 prochains jours ;
  3. Il/elle a activement cherché le travail au cours du mois précédent et n’a pas en trouvé un qui commence au cours de trois prochains mois.

Cela signifie, par exemple, que les personnes en recherche active d’emplois ne peuvent pas toutes être considérées comme étant au chômage.

En plus, cette définition signifie que dans chaque pays membre de l’OIT, le travail est interdit à toute personne n’ayant pas 15 ans. Ceci n’est pas le cas de certains pays : par exemple, au Royaume Unis l’âge légal de travail est de 14 ans ; par ailleurs, aux États-Unis ils existent de nombreuses exceptions/aménagements autorisant le travail temporaire des enfants de moins de 15 ans.

Ainsi, en ce qui concerne la typologie de la population inclue dans les statistiques, ils existent de nombreuses incohérences entre les pays.

Si nous poursuivons l’analyse des faits au-delà des statistiques, nous découvrons que pour pouvoir publier celles qui vont avoir un sens réel il faut avoir, entre autres, des principaux éléments suivants:

  1. Le nombre de personnes correspondant exactement à certains critères d’âge ;
  2. Le nombre de personnes correspondant exactement à certains critères d’âge et qui ne sont pas : les femmes enceintes, personnes handicapées, en longue maladie ou recevant des pensions, etc. pour pouvoir les exclure des statistiques;
  3. Le nombre de personnes correspondant exactement à certains critères d’âge et résidant effectivement dans le pays concerné, cela veut dire, par exemple, qu’il faut exclure les personnes qui voyagent pendant leur année sabbatique, celles qui effectuent un séjour linguistique dans un autre pays, etc. (par exemple, les Français basés à Londres) ;
  4. Le nombre de personnes correspondant exactement à certains critères d’âge et cherchant réellement du travail ;
  5. Le nombre de personnes étant réellement employés/ayant une activité professionnelle.

Ces faits permettent de comprendre très facilement qu’aucun pays ne puisse prétendre avoir toute les données nécessaires permettant d’établir les statistiques réelles. Cela concerne surtout les personnes entre 15 et 24 ans, qui passent à travers plusieurs changements dans leurs vies et qui sont très volatiles de point de vue statistique. Par conséquent, les études statistiques doivent utiliser différentes techniques permettant d’extrapoler leur connaissance d’un échantillon de population plus ou moins homogène. Néanmoins, tout échantillon regroupant 1000 jeunes français en recherche active d’emploi n’est pas représentatif de la population dans cette tranche d’âge : environs 2/3 de jeunes français entre 15 et 25 ans ne sont pas sur le marché de travail, car ils/elles continuent leur éducation.

D’après les différentes études indépendantes, essayant d’avoir une approche très précise du problème du chômage des jeunes et prenant en compte la majorité des critères mentionnés ci-dessus, le taux réel du chômage pour la population de 15-25 ans en France est proche de la moyenne nationale, qui est d’environ 10,9%.

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Lara STANLEY

Lara STANLEY écrit les analyses centrées essentiellement sur les sujets de l’économie, la finance et la société. Ayant travaillé dans les domaines de développement,...

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