La Grande Bretagne enregistre une fuite massive des capitaux : de la livre sterling vers le rouble ?

Au cours des 15 derniers mois les investisseurs ont sorti de la Grande Bretagne 356 milliards de dollars. Rien qu’au cours des trois premiers mois de 2015, les départs nets des capitaux ont représenté 68 milliards de dollars. Pour le mois de mars seul ce chiffre représentait 24 milliards de dollars. Ces chiffres publiés par The Times sont au moins surprenants, voire inquiétants pour le pays. Car il s’agit non seulement de la fuite des capitaux, mais également de la sortie de la livre sterling : depuis le début de l’année les investisseurs étrangers se sont débarrassés de £14 milliard d’obligations de l’Etat britannique.

Ces informations qui représentent uniquement les flux nets, sans fournir de précisions sur la destination et la provenance de ces flux, sont fournies par la société CrossBorder Capital. Cette dernière conclue que les trois principales raisons de cette fuite des capitaux sont :

  • La situation générée par le conflit entre l’Ukraine et la Russie ;
  • Les craintes induites par le referendum sur l’indépendance de l’Ecosse ;
  • Les incertitudes du climat politique dans le pays liés aux prochaines élections prévues le 7 mai.

D’après CrossBorder Capital les capitaux russes représentent la partie la plus significative de ces flux sortants de la Grande Bretagne. Ils ont commencé à quitter le pays dès l’introduction en 2014 des sanctions internationales contre Moscou. Cette fuite s’est aggravée vers décembre de l’année dernière, lorsque le Président Poutine a fait appel au patriotisme des cercles d’affaires russes qui a été renforcé par l’annonce de l’amnistie fiscale des capitaux revenants en Russie.

CrossBorder Capital effectue des études des mouvements des capitaux depuis trente-cinq ans. Pendant toutes ces années la Grande Bretagne attirait immanquablement des capitaux. D’après les statistiques de ce cabinet de conseil, la dernière fois les flux négatifs des capitaux plus ou moins significatifs ont été liés aux élections parlementaires du 2005 et du 2010. Toutefois, leur amplitude n’était pas comparable à l’exode actuel.

D’après Michael Howell, Managing Director de CrossBorder Capital, ces statistiques démontrent que l’argent quitte définitivement la livre sterling. Soit il s’agit des investisseurs britanniques qui cherchent la diversification dans les actifs étrangers, soit il s’agit des investisseurs étrangers qui quittent la Grande Bretagne.

D’après les analystes, la Grande Bretagne est le pays européen pour lequel le risque d’instabilité politique et de tourmente financière est le plus élevé.

D’une part, les prévisions démontrent que, suite aux élections du 7 mars, aucun parti politique ne sera en mesure de constituer un gouvernement fort avec un mandat clair. Cette situation sera très difficile à gérer, car la constitution britannique n’est pas bien adaptée aux gouvernements de coalitions ou de minorités. Par ailleurs, le nationalisme écossais et gallois n’était aucunement freiné par les résultats du référendum écossais de l’année dernière.

D’autre part, malgré le fait que l’économie britannique ait enregistré en 2014 un niveau de croissance parmi les plus élevés des pays développés de l’OCDE, ainsi qu’un taux de chômage parmi les plus bas de l’Union Européenne, ses indicateurs structurels sont assez alarmants. Le taux de déficit extérieur de la Grande Bretagne est parmi les plus élevé au monde. Un tel état de la balance courante du pays indique clairement l’imminence d’une crise financière. Cette situation pouvait être atténuée par certains éléments, dont le flux important des capitaux entrant le pays. L’étude de CrossBorder Capital citée dans cet article, ainsi que les analystes cités par The Times démontrent que la situation est en train de changer d’une manière cardinale.

En même temps, et malgré les sanctions économiques internationales, la Russie voit l’augmentation de flux d’investissements depuis le début de l’année. Ces flux d’investissements ont suivi les recommandations de plusieurs gourous de la finance, dont ceux du cabinet AT Kearney ou de Jim Rogers. Ce dernier est le co-fondateur avec Georges Soros du Quantum Fund, qui assure depuis des années des performances remarquables.

Jim Rogers qui suit la Russie depuis 1966 avait une opinion très négative sur ce pays jusqu’en 2012. Depuis il est l’un des investisseurs les plus actifs dans le marché russe. Il insiste sur le fait que c’est LE marché où il faut être en 2015. Son portefeuille d’investissement est majoritairement constitué des actifs russes, comme le producteur des fertilisants Phosagro, la compagnie aérienne Aeroflot ou la bourse de Moscou. Par ailleurs Rogers considère l’agriculture comme l’un de domaines ayants les perspectives de croissance les plus attractives.

Plus globalement, Rogers considère que le XIX siècle était le siècle de la Grande Bretagne, le XX siècle était celui des États-Unis et le XXI siècle va devenir le siècle de la Chine. En tant qu’investisseur il fuit l’euro et le dollar et investit activement dans le yuan et le rouble.

Actuellement Jim Rogers vit à Singapour. Son lieu de domicile peut expliquer le fait que cet investisseur manque de recul par rapport à la croissance chinoise. Par ailleurs, nous pensons que le dollar a encore de beaux jours devant lui, tout comme l’euro, auquel les américains n’ont jamais rien compris…

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Edouard DE BERLEAU

Édouard DE BERLEAU est un expert du domaine de la finance et tous les sujets connexes. Il a travaillé dans des grandes institutions et...

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