Prochaines guerres : La macroéconomie de l’emploi

Les chiffres d’emploi. Ou, comme nous avons l’habitude de les appeler, « les chiffres de chômage ». En les considérant, medias, homes et femmes politiques, tout comme « l’homme de la rue » se limitent essentiellement à la vision très locale de la problématique. Or, comme nous avons pu l’observer au cours de dernières années, les mesures « locales » ne produisent que peu d’effet.

Dans la récession économique que nous vivons actuellement, le sujet de l’emploi est un sujet crucial pour tout le monde, même pour ceux qui n’ont pas besoin de travailler pour pouvoir vivre confortablement. Il mérite une analyse plus globale que celle à laquelle nous nous sommes habitués.

Le taux de chômage en France oscille actuellement autour de 10%. Cela ne veut pas dire que 90% de population française en âge de travailler le font à plein temps, dans les conditions correctes, en faisant un travail qui correspond à leurs compétences et à leurs capacités. Une bonne partie de ces 90% occupe, en effet, un emploi à temps partiel imposé, un CDD/intérim subi, etc. Ces faits ne créent pas des gens heureux et épanouis. Pourtant, la situation française a l’air assez confortable dans un paysage global plutôt mitigé.

D’après les enquêtes de Gallup, l’indice français de « payroll to population », qui démontre la proportion des adultes de plus de 18 ans ayant un emploi formel de plus de 30h par semaine, est de 39%. Pour comparer :

  • Allemagne – 36%
  • Canada – 41%
  • Côte d’Ivoire – 8%.
  • Etats Unis – 43%
  • France – 39%
  • Grèce – 23%
  • Italie – 31%
  • Laos – 14%
  • Maroc – 15%
  • Roumanie -24%
  • Royaume Uni – 37%
  • Russie – 51%
  • Turquie – 16%

Pour être exact, un emploi formel ou « un emploi à plein temps défini formellement » comprends un travail de plus de 30 heures hebdomadaires avec un salaire payé régulièrement. Tout le reste fait partie du travail dit « informel » : instable, payé au lance-pierres, très souvent pratiqué dans (mais pas limité aux) pays en voie de développement (on échange un sceau de pommes de terre contre son équivalent en charbon, ou quelques heures de jardinage pour un peu de liquidité, etc.).

Un emploi « informel » peut assurer la survie, mais pas la prospérité. Il ne créé pas de réelle énergie économique.

Or, la société a besoin de cette énergie pour se développer. Le capitalisme est basé sur la consommation. Il exige, donc, une certaine redistribution, permettant aux consommateurs de consommer et non seulement de survivre. Par ailleurs, les personnes impliquées longuement dans un le travail « informel » manifestent la dégradation de leur état psychologique, déclarent être malheureuses et n’ayant aucun espoir de trouver un travail correct dans l’avenir.

Parmi plus de 7 milliards d’habitant de la planète, environs 5 milliards ont 15 ans ou plus. Ce dernier critère correspond à l’âge définit par l’Organisation Mondiale de Travail comme l’âge légal d’accès au monde de travail. Parmi ces 5 milliards de personnes  environs 1,2 milliards ont un travail à plein temps défini formellement. Cela signifie que dans le monde nous manquons de presque 1,8 milliards d’emplois formels. D’après les statistiques, environs 50% de ces 1,8 milliards sont effectivement au chômage et 10% d’entre eux cherchent un travail à temps partiel.

Compte tenu du fait que ces 1,8 milliards de personnes représentent presque un quart de la population mondiale, la nouvelle grande guerre mondiale sera une guerre pour l’emploi. Le manque d’emplois « formels » est bien à l’origine des mouvements provoqués par la colère, par la montée de l’extrémisme, la migration clandestine, la dégradation de l’environnement, – tous les problèmes auxquels les pays développés essayent de répondre à travers l’aide humanitaire, force militaire ou la politique. Il suffit de regarder l’indice « payroll to population » pour les pays où les « printemps arabes » ont eu lieu :

  • Algérie – 14%
  • Egypte – 22%
  • Iran – 11%
  • Jordanie – 24%
  • Liban – 25%
  • Libye – 25%
  • Mauritanie – 9%
  • Palestine – 12%
  • Syrie – 16%
  • Tunisie – 19%
  • Yémen – 9%

Au cours des prochaines années, voir décennies, le monde va être mené par les forces économiques définies essentiellement à travers la création des emplois et la croissance réelle du PIB. Le lien de causalité entre les deux est similaire à celui de l’œuf et de la poule : la croissance économique (le PIB) engendre la création de nouveaux emplois et l’augmentation de nombre d’emplois stimule la consommation, et, donc, le PIB.

Dans le nouveau paradigme mondial, les exigences vis-à-vis des leaders ont changé. Comme l’a bien remarqué Jim Clifton dans son livre The Coming Jobs War, la maitrise des mécanismes de création d’emploi est l’exigence principale de l’avenir. Car la gestion traditionnelle de cette problématique à travers la politique, les forces militaires, les religions ou les valeurs personnelles ne fonctionnera plus. Les droits de l’homme, l’innovation technologique, la recherche en biotechnologies, la place des femmes et des minorités dans le monde de travail – l’importance de tout sujet sera jugée par rapport à un seul critère : comment ces sujets affectent-ils la création d’emploi. Ce critère diminuera considérablement l’importance des autres, comme les valeurs familiales, politiques et religieuses.

En 2013 le PIB mondial était d’environ $70 trillions. D’après les prévisions des économistes, au cours de 30 prochaines années le PIB mondial va croitre jusqu’au $200 trillions. Cela signifie que les nouveaux clients, employés, entreprises et financements d’une valeur globale de $130 trillions vont s’ajouter dans le mélange mondial.

La guerre globale visant à captiver ces $130 trillions est déclenchée, car à l’intérieur vont se trouver les futurs meilleurs emplois du monde. Ces $130 trillions vont créer l’ascension des nouveaux empires pour les gagnants, tout comme la descente vers l’enfer sociétal pour les perdants. Les pays qui se retrouveront dans cette dernière catégorie, et surtout leurs villes affectées, vont souffrir d’instabilité, de chaos et de révoltes. Il n’est pas certain que les dirigeants de différents types réalisent ce qu’ils/elles devront affronter dans l’avenir.

Source image : www.gallup.com

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Lara STANLEY

Lara STANLEY écrit les analyses centrées essentiellement sur les sujets de l’économie, la finance et la société. Ayant travaillé dans les domaines de développement,...

Edouard DE BERLEAU

Édouard DE BERLEAU est un expert du domaine de la finance et tous les sujets connexes. Il a travaillé dans des grandes institutions et...

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