Ces autres typologies de travail : une nouvelle perspective

Un jour, probablement à l’école, nous avons appris que le travail peut être séparé en deux types : le travail physique, effectué par les « cols bleus » et le travail intellectuel, effectué par les « cols blancs ». Maintenant, inspirez et expirez lentement, détendez-vous… Ce classement est… erroné, ce qui est très facile à démontrer.

Pensez-vous qu’un plombier (un « col bleu », d’après la classification qu’on nous a enseignée) qui change un robinet n’utilise pas sa tête pour le faire ? Je vous souhaite de tout cœur de ne jamais rencontrer un tel plombier. Car, bien sûr, tout plombier qualifié réfléchit et utilise ses capacités intellectuelles en plus de ses mains. Donc, il porte, éventuellement, un col bleu, mais uniquement parce que ce dernier est plus facile à nettoyer après une journée de travail (d’ailleurs, les « cols blancs » portent souvent des chemises bleues…).

La classification inexacte que l’on nous a enseignée fausse notre vision du monde et complexifie sa compréhension. Car, en réalité, et depuis toujours, le travail peut être divisé en deux autres types : le travail de production et le travail de gouvernance.

En plus du plombier qui change un robinet, le travail de production peut encore être fourni, par exemple, par :

  • Une couturière qui bâtit une robe.
  • Un écrivain qui écrit un livre.
  • Un développeur qui compose le code d’un jeu vidéo.
  • Un médecin qui répare le corps humain.
  • Un inventeur qui créé un nouveau drone…

Parmi ceux dont l’activité relève du travail de gouvernance on peut inclure :

  • Un responsable de chantier qui gère la construction d’une tour de bureaux.
  • Le chef de rayon d’un grand magasin, qui commande certains types de vêtements pour la saison et organise leur vente.
  • Le directeur d’une maison d’édition qui passe les commandes de certains livres, les fait publier et distribuer.
  • Le directeur général de la société des jeux vidéo qui gère le travail de ses équipes, accepte ou rejette certains jeux, les fait commercialiser, etc.

Quelles sont les principales différences entre ces deux types de travail ? – Tout d’abord, c’est leur signification sociale.

Le travail de gouvernance est considéré comme significatif pour la société, et respectable du vivant de la personne qui l’exerce. Ce n’est pas toujours le cas avec le travail de production. Parfois il faut des années, voire des siècles, pour qu’il soit apprécié à sa juste valeur : c’est le cas des monuments d’architecture que nous admirons maintenant seulement, et dont la date de construction se perd quelque part dans l’Histoire.

Une autre différence entre ces deux types de travail est l’« interchangeabilité », ou la capacité de remplacer la personne qui fait le travail de production par une autre, spécialisée dans la gouvernance, et vice versa.

Inversons, par exemple, les positions du responsable d’une maison d’édition et d’un écrivain. Est-ce que le responsable pourra écrire un livre ? Compte tenu du nombre d’ouvrages qu’il a vu défiler lors de sa carrière, oui. Ce ne sera peut-être pas un livre passionnant, son style ne sera probablement pas très lisse, mais à la fin de son effort d’écriture (ou de production) nous aurons un livre. Est-ce que l’écrivain sera capable de gérer une maison d’édition ?… Humm… Pas si sûr. Pas tout de suite, en tout cas, mais après une période d’apprentissage, après une formation.

Donc, le plus souvent, pour pouvoir mener à bien un travail de gouvernance, il faut avoir suivi une formation. Car le véritable art de la gouvernance inclut non seulement la finance et la stratégie, mais également la psychologie, la pédagogie, la sociologie et bien d’autres domaines, dont vous n’avez pas forcément besoin pour exercer un travail de production. Il faut également avoir pratiqué la gouvernance, car certaines des compétences qu’elle requiert ne peuvent pas être enseignées d’une manière théorique.

La différence additionnelle entre deux types de travail consiste dans le fait que le résultat d’un travail de production et sa qualité sont perceptibles et mesurables plus ou moins immédiatement après la fin du travail, ce qui n’est pas toujours le cas du fruit d’un travail de gouvernance.

Après avoir fabriqué une pièce métallique, un tourneur peut la mesurer avec une règle ou un outil équivalent, et dire si elle correspond aux spécifications et au besoin exprimé. Mais comment peut-on mesurer le travail de gouvernance ? Comment évaluer rapidement la probabilité du fait qu’un certain modèle économique implémenté dans tel ou tel pays afin d’augmenter sa prospérité, ne générera pas des millions d’exclus et n’abaissera pas sa compétitivité internationale ? Le travail de gouvernance peut être évalué uniquement avec le temps, parfois il faut des années, voire des décennies ou des siècles, pour estimer l’efficacité d’une certaine méthode ou d’un acte de gouvernance.

C’est la raison pour laquelle le travail lié à la gouvernance est généralement mieux rémunéré que le travail de production. Un seul bémol : compte tenu du fait que l’on ne peut évaluer la qualité de ce travail qu’après un certain délai, on ne peut pas, non plus, évaluer en temps réel si la rémunération élevée, correspondant à ce travail, était justifiée…

Depuis la nuit des temps, le monopole de la connaissance était détenu par les élites, qui avaient eu un accès exclusif à l’information et à une éducation de haut niveau. Ce fait leur a permis de fixer le monopole des prix sur les résultats de leur travail, ce qui les a conduites au monopole sur un niveau de vie plus élevé. C’est ainsi que vous avez une explication simplifié de l’organisation de la société.

 

Les opinions exprimées par les contributeurs de Vues & Revues leur sont propres et peuvent ne pas correspondre ceux de Vues & Revues.

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Lara STANLEY

Lara STANLEY écrit les analyses centrées essentiellement sur les sujets de l’économie, la finance et la société. Ayant travaillé dans les domaines de développement,...

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