Que se passe-t-il avec les banques aux États-Unis et comment c’est lié à la Chine et à l’Arabie Saoudite

Que se passe-t-il avec les banques américaines ?

Récemment, nous avons été témoins du deuxième plus grand effondrement qu’une banque ait connu dans l’histoire des États-Unis. En 2008, une première catastrophe avait déclenché une crise mondiale. Cette fois-ci, la Silicon Valley Bank a fait faillite le 10 mars 2023, et, dans la foulée, la fermeture de la Signature Bank a été annoncée. Par conséquent, cela soulève une question : Comment ces événements affecteront-ils l’économie mondiale dans sa globalité ?

Le fait est que, pour l’instant, les effets de ces faillites ne se font pas encore ressentir. Elles ont plutôt servi de coup d’essai pour permettre aux autorités et aux financiers américains de tester les options qui s’offraient à eux quant aux jeux spéculatifs autour de la faillite des banques.

En temps normal, une banque fonctionne de manière routinière. Elle accumule, centime après centime, les bénéfices au fil des années, et les dirigeants analysent annuellement ses résultats. C’est une procédure pénible et fastidieuse qui fait appel à de nombreux experts, auditeurs, etc.

Cependant, lorsqu’une même banque se trouve au bord de la faillite, la situation est toute autre. En cas d’effondrement des banques, il est possible de réaliser des profits excessifs. Si une banque fait faillite (et c’est la même chose pour toute autre entreprise), ses actifs sont vendus avec des rabais importants. En outre, si quelqu’un perd ses actifs lors de la vente avec rabais, alors quelqu’un d’autre y gagne en achetant ces mêmes actifs en-dessous du prix du marché. Cette loi d’échange semble s’appliquer non seulement à la physique, mais aussi à l’argent qui, lui-même, représente l’une des nombreuses formes de l’énergie.

Il est important de rappeler qu’en plus de la première grande faillite de 2008 associée au nom de Lehman Brothers, de nombreux autres problèmes financiers n’ont pas été suivis par une telle faillite directe et médiatique, mais ont mené à des rachats d’entreprises à des prix très bas. Par exemple, certaines entreprises dont la capitalisation frôlait les centaines de milliards de dollars et qui étaient financées par une banque en faillite se sont retrouvées avec cette même capitalisation réévaluée pour un montant proche d’un dollar. Valorisée à un tel prix, une entreprise de la sorte passait à une autre banque qui reprenait les actifs de celle en situation de faillite pour des prix dérisoires. L’une des affaires de ce type, qui est désormais largement connue du grand public, concerne la plus grande banque américaine, JP Morgan Chase, qui a été condamnée par le gouvernement américain à une amende de 86 milliards de dollars pour ses pratiques d’acquisition d’actifs lors de la précédente crise financière. Une telle amende semble être une forme de taxe sur les bénéfices excédentaires de la banque, car elle a acquis à bas prix des actifs de banques qui se sont effondrées.

Lors de chaque crise, de nombreuses institutions financières font faillite aux États-Unis. Dans le contexte actuel, nous pouvons compter les faillites de deux établissements de taille moyenne et d’un autre relativement plus petit. D’après les standards américains, c’est très peu. En comparaison, en 2009, 140 banques avaient été officiellement reconnues comme étant en situation de faillite. En 2010, elles étaient déjà 157.

Il est encore trop tôt pour affirmer que la situation actuelle se terminera par une sorte de faillite systémique, mais certains financiers souhaitant bousculer le marché pourraient essayer de faire chuter la valeur de quelques actifs pour les avoir à un prix plus intéressant. Ils sont motivés par l’influence qu’ils peuvent exercer sur l’opinion publique, sur les investisseurs et sur les politiciens. C’est un véritable jeu de poker auquel ils jouent, et l’on distingue plusieurs manières de procéder pour gagner la partie : Les uns s’adonnent au poker ou au bingo de façon mesurée, sans faire de gros paris, là où d’autres préfèrent tout miser sur un seul jeu. Pendant les périodes de crises aigües, les financiers qui ont progressivement accumulé des richesses au cours d’années de marché relativement stable, misent sur un seul grand jeu qui se déroule pendant les périodes de crises charnières, comme c’était le cas en 2008 par exemple. L’épisode de JP Morgan Bank nous rappelle que les bons jeux sont synonymes de profits vertigineux, tandis que les mauvais jeux signifient la faillite.

Ce qui se passe actuellement est une balle d’essai, car il semble que les actifs déclarés de la Silicon Valley Bank étaient de 200 milliards, et ceux de la Signature Bank de 100 milliards. Cela semble être de grands nombres, mais pour le système bancaire américain c’est en réalité très peu, car la totalité des actifs de la plus grande banque américaine s’élève à 3,8 trillions de dollars. En faisant la comparaison avec les deux banques qui ont actuellement de gros problèmes, on peut facilement se dire que JP Morgan est des dizaines de fois plus importante. Même la sixième plus grande banque américaine possède des actifs de plus d’un trillion de dollars.

La Silicone Valley Bank se situait quelque part entre la 16e et la 18e place dans le classement des banques américaines. Là encore, il est essentiel de prendre en compte le mode de calcul, car toutes ces grandes banques américaines sont présentes à l’échelle mondiale, avec des bureaux et des filiales dans de nombreux pays. Ces titans du marché bancaire américain ont des actifs qui se comptent en trillions de dollars, mais possèdent des dépôts de ménages américains qui, quant à eux, sont comptés en centaines de milliards, mais pas en trillions. Les trillions, on peut en parler lorsqu’il s’agit de quelques grands investisseurs étrangers qui déposent leur argent souverain ou des banques étrangères qui détiennent des comptes dans les banques américaines. D’une part, ces dépositaires sont catégoriquement plus importants en termes de montants en dollars. D’autre part, quand il s’agit d’influence, ils sont comparables à la masse des contributeurs américains de ces mêmes banques.

Il est intéressant de revenir à la chronologie des événements concernant ces deux banques. Pourquoi ces faillites ont-elles eu lieu maintenant ? Faut-il s’attendre à une nouvelle série de faillites dans un avenir proche ? Leur intensité va-t-elle inspirer un blockbuster ou un feuilleton télévisé ?

Analysons ce qui a déclenché la faillite des deux banques. Selon les rumeurs du marché, ces banques, comme beaucoup d’autres aux États-Unis, ont rencontré des problèmes modérés qui ne semblaient pas être alarmants… Mais voilà qu’au début de l’année 2023, elles ont publié leurs rapports annuels, certifiés par les auditeurs. La première banque, la Silicon Valley Bank, a publié son rapport d’audit le vendredi 24 février.  Mercredi 8 mars, elle a annoncé qu’elle avait déjà 43 milliards de dollars déposés par ses clients qui étaient en attente de retrait. Il aura fallu une semaine et demie aux clients pour lire le rapport annuel, et ils ont lu d’autres rapports, pas seulement celui de cette banque. (Un nombre important de sociétés américaines publient des rapports d’audit annuels à la fin février-début mars. Ces rapports comportent généralement entre 200 et 400 pages.) Vendredi 10 mars, soit exactement deux semaines après la publication du rapport annuel, la Silicon Valley Bank est passée sous le contrôle de la société américaine d’assurance des dépôts.

Examinons maintenant quelques éléments intéressants de ce rapport. Formellement, les auditeurs avaient confirmé, deux semaines avant l’effondrement officiel de la banque, que son bénéfice pour l’année 2022 était de 1,5 milliards de dollars, et que son capital était de 16 milliards de dollars. Parmi de très nombreuses normes appliquées par les auditeurs, il en existe une appelée « Événements postérieurs à la date de clôture ». En effet, si l’audit a été clôturé le 1er janvier, cela ne signifie pas que les auditeurs ne se soucient plus de tout ce qu’il pourrait se passer après cette date symbolique. Ils ne pouvaient pas dire : « Excusez-nous, plus de deux mois se sont écoulés depuis la date de clôture, donc nous sommes responsables uniquement de ce dont il était question avant cette période, et la suite n’est plus dans le cadre de nos responsabilités. » Dans ce contexte, les auditeurs examinent généralement les questions clés de la situation actuelle avant la publication du rapport, pour s’assurer que la situation de la banque ne se soit pas détériorée.

Bien entendu, les auditeurs se sont protégés dans cette configuration, car ils comprenaient que quelque chose n’allait pas dans cette banque. Ils ne pouvaient pas ne pas publier le rapport annuel, car cela aurait généré beaucoup de questions. Dans ce type de situations, les auditeurs trouvent un compromis entre ce qui est nécessaire et ce qui est suffisant pour révéler la situation. Imaginez le rapport annuel de la Silicon Valley Bank qui fait environ 190 pages. À côté, vous avez le rapport d’audit de seulement 3 pages. Dans ce rapport d’audit, ils ont reflété l’essentiel de la situation en une seule ligne, indiquant que la banque avait révisé sa politique comptable pour refléter l’impact des instruments financiers dérivés.

C’est une phrase assez générique. Or les professionnels savent lire entre les lignes. Pour eux, c’était un drapeau rouge qui a clairement tout montré. Dans la partie du rapport parlant des bénéfices et des pertes, il y a une partie concernant les capitaux propres, où les auditeurs ont indiqué les pertes de deux milliards et demi de dollars dues au transfert des titres. Les profits sont, entre autres, décrits sur une page, et, quelque part sur une autre page, dans un tableau, il y a les pertes. Les professionnels ont su le lire et ont compris ce qui n’allait pas.

Généralement, les auditeurs écrivent que tout est rose et qu’il n’y a pas de problèmes. Si les auditeurs osent écrire une ligne qui sème le doute, alors ils font comprendre au marché que quelque chose va très mal. Les analystes bancaires professionnels l’ont lu, et l’argent a commencé à fuir la Silicon Valley Bank.

Quelle était la particularité de l’activité de cette banque ? En tant que banque en ligne moderne, elle n’avait pas réellement de bureaux, la majeure partie des relations avec ses clients se passant par le biais d’Internet. Lorsque vous êtes une banque en ligne, vous pouvez créer et préparer des documents de paiement en quelques minutes, voire secondes, et aussitôt l’argent est prêt pour le transfert.

Lorsque vous avez des succursales bancaires classiques, vous pouvez ouvrir un seul guichet. Vous pouvez faire en sorte que le système informatique fonctionne lentement, que les opérateurs soient très lents et se plaignent d’être débordés. Dans ce cas de figure, vous pouvez rendre les dépôts de vos clients petit à petit, tout en disant à la principale masse de détenteurs des comptes : « Vous voyez, nous travaillons. Nous sommes désolés pour la lenteur, nous allons vous rendre votre argent, mais il faut patienter. Mettez-vous dans la file d’attente ; regardez, nous servons tout le monde ».

Or, la banque en ligne ne peut pas le faire. Par conséquent, en très peu de temps (le 8 mars), environ 43 milliards sur un engagement total de 175 milliards de dollars se sont retrouvés à la sortie de cette banque. Cela s’est produit en moins de 24 heures.

En continuant d’attiser les passions autour du système bancaire américain, regardons la deuxième banque qui a fait faillite. Qui était l’auditeur officiel de Signature Bank ? – C’était KPMG, soit le même que celui de la première. Signature Bank a publié son rapport avec l’avis de l’auditeur le 1er mars 2023. Elle a fermé ses portes le 12 mars. Dans les rapports, les auditeurs ont également fait une petite réserve sur les portefeuilles de crédits. Cela a servi de déclencheur pour que les professionnels le lisent immédiatement.

Continuons de faire monter la tension autour des banques américaines. Les quatre plus grandes banques américaines sont : JP Morgan Chase & Co, dont nous avons déjà parlé, la seconde est Bank of America, ensuite il y a Citigroup et Wells Fargo. Au total, leurs actifs s’élèvent à 11 trillions de dollars. C’est 40% de la dette publique américaine, des chiffres assez énormes. Les deux premières ont pour auditeur KPMG. En 2022, ces deux banques ont publié leurs rapports d’audit et les rapports annuels respectivement les 22 et 23 février. En 2023, trois semaines après cette date, les rapports annuels n’étaient toujours pas rendus publics.

Les deux autres grandes banques ont choisi PricewaterhouseCoopers comme auditeur. L’une d’entre elles a publié un rapport ; toutefois, dans sa conclusion de deux pages et demie, l’auditeur PWC a consacré deux tiers d’une page à expliquer que la banque avait modifié sa politique comptable d’évaluation des pertes de crédit. Des citations indiquent que les modèles utilisés par la banque, basés sur des données historiques, ne sont plus efficaces. Le rapport souligne également que la direction de la banque est entièrement responsable du calcul des réserves de crédit et que les auditeurs se sont simplement basés sur les données fournies par la direction. Suite à la publication de ce rapport le 22 février, les actions de cette banque ont chuté d’environ 20 %.

Cette banque est la seule des quatre plus grandes banques américaines à avoir publié son rapport annuel dans les délais habituels. Les autres ont observé les banques moyennes et la réaction du public face aux aveux concernant des trous financiers dans leurs bilans. Bien que ces grandes banques ne soient pas (encore) en faillite, la question demeure de savoir comment le public américain réagira si elles admettent également des problèmes.

La situation des quatre plus grandes banques américaines explique pourquoi le président des États-Unis a évoqué récemment une banque moyenne dont les difficultés n’affecteraient pas l’Amérique. Il a rassuré la nation en affirmant que le système bancaire américain se porte bien et même qu’en cas de besoin, il serait possible d’aider les banques en difficulté sans utiliser l’argent des contribuables. Cela soulève la question : si seuls 11 % des dépôts des banques sont assurés, qui d’autre que le budget des États-Unis prendra en charge les dépôts non assurés appartenant aux Américains ordinaires si les banques venaient à faire faillite ?

Le président Biden semble préparer l’opinion publique en vue d’une éventuelle crise des grandes banques américaines en reconnaissant déjà les problèmes des banques moyennes. L’effondrement de l’une des quatre premières banques aurait sans aucun doute un impact immédiat sur le paysage politique américain et entraînerait probablement des changements significatifs dans la politique économique du pays. Les actifs gigantesques de ces banques, qui se chiffrent en trillions de dollars, montrent que leur faillite aurait des répercussions sur l’économie mondiale.

Les récentes déclarations concernant les banques semblaient être une sorte de test pour évaluer la réaction du public. Les responsables n’ont pas affirmé que les banques américaines allaient s’effondrer ou survivre. Il s’agissait davantage de sonder l’opinion public sur la manière dont elle percevrait une telle situation de crise.

L’économie étant cyclique, des crises surviennent à intervalles réguliers, notamment des crises bancaires graves environ tous les dix ans aux États-Unis, qui touchent à la fois quelques grandes, des dizaines de moyennes et des centaines de petites banques. Ce schéma semble être presque devenu une routine pour les banquiers américains, où les plus grandes banques absorbent parfois les plus petites en difficulté. Ces mouvements pourraient prendre des mois avant que les acteurs du secteur bancaire n’analysent la réaction du public aux premières faillites et ne construisent des scénarios sur la manière dont les médias d’affaires et les politiciens réagiront. Le processus nécessite une claire délimitation des rôles de tous les participants, où les gros requins du secteur bancaire chercheront à dévorer les concurrents moins chanceux.

Pour en revenir aux banques qui ont initié la vague de faillites en 2023, il est important de remarquer que la Silicon Valley Bank se présentait comme une institution fortement orientée vers les clients du monde des nouvelles technologies, surfant sur un effet de mode. Ses discussions tournaient principalement autour des start-ups, des technologies dernier cri. Son nom, “Silicon Valley Bank” avait été soigneusement choisi pour renforcer son image « branchée ». Cependant, sa faillite n’aura probablement aucun impact significatif sur le secteur technologique aux États-Unis, car son lien réel avec la sphère technologique de la Silicon Valley était assez superficiel. Elle tentait simplement de séduire ses clients avec un message publicitaire affirmant qu’elle était très impliquée dans l’écosystème des start-ups, et que les investissements dans ces jeunes entreprises prometteuses pouvaient générer d’importants revenus.

Tout cela servait de justification pour offrir des taux de rémunération d’épargne plus élevés que ses concurrentes, attirant ainsi les déposants physiques et institutionnels. Cette stratégie s’inscrivait dans sa politique d’acquisition de nouveaux clients au cours des dernières années, ce qui lui avait permis d’afficher le taux de croissance entre 50% et 100% par an. En effet, il y a trois ans, la banque était bien plus petite qu’aujourd’hui.

Bien entendu, la Silicon Valley Bank investissait une partie de ses fonds dans des start-ups, notamment celles qui avaient atteint le statut de « licornes » et qui promettaient de solides revenus. Mais elle privilégiait également les obligations d’entreprises à long terme, car elles offraient des rendements plus élevés que celles à court terme. En fait, elle acceptait des dépôts à court terme et les plaçait dans des obligations longues. Cependant, la hausse des taux d’intérêt initiée par la Réserve Fédérale américaine a entraîné une diminution de la valeur des obligations émises avant cette augmentation, et les obligations à long terme ont été particulièrement touchées. C’est ainsi que la Silicon Valley Bank s’est trouvée piégée dans cette situation plus que délicate de gestion des taux d’intérêt.

Un autre élément marquant est la personnalité du numéro deux au sein de la banque, dont le parcours aurait dû alerter. Ayant travaillé jusqu’en 2003 dans une entreprise d’audit impliquée dans un scandale lié à la manipulation des rapports annuels de grandes entreprises américaines, il n’était pas inconnu au monde des pratiques douteuses. De plus, il a été l’un des principaux gestionnaires de risques à la banque Lehman Brothers jusqu’en 2007, un an avant sa célèbre faillite lors de la crise financière de 2008.

Ce personnage occupait la position de responsable du pouvoir exécutif à la Silicon Valley Bank et était chargé de superviser l’ensemble des processus. On peut donc affirmer qu’il a géré la banque de manière inefficace, contribuant ainsi à sa faillite. En effet, les médias ont souligné qu’une « mauvaise gestion par les cadres dirigeants » était l’une des raisons principales de cette débâcle.

Il est donc essentiel, lors de l’analyse de la solvabilité d’une entreprise à partir de son rapport annuel, de vérifier non seulement la réalité de ce rapport, mais également le parcours professionnel des dirigeants pour mieux comprendre leurs antécédents et leurs compétences.

La finance et le pétrole

Il est courant de constater que l’argent se concentre là où les banques sont établies, de la même manière que les régions riches en ressources pétrolières attirent également les flux financiers. Le refus, en mars dernier, de l’Arabie saoudite de soutenir un plafonnement des prix du pétrole pourrait-il être lié à la situation des banques américaines ?

Il est intéressant de noter que l’Arabie saoudite ne conteste pas le plafonnement des prix sur le pétrole russe, mais plutôt celui concernant le pétrole saoudien. Cela fait suite à l’activation récente d’un projet de loi par un groupe de sénateurs américains contre l’OPEP, qualifiant cette organisation de cartel et proposant l’imposition de sanctions massives pour leur prétendue entente sur le marché pétrolier. Ce projet de loi existe depuis environ vingt ans, resurgissant périodiquement avant de retomber dans l’oubli. Le fait que les sénateurs américains se soient à nouveau activés sur ce sujet soulève des interrogations.

La connexion avec les banques américaines peut être expliquée par le fait que les pays exportateurs de pétrole investissent souvent leurs réserves de devises et leurs fonds souverains dans des bons du Trésor américain, ainsi que dans des comptes rémunérés auprès des grandes institutions financières américaines ou dans des instruments financiers émis par des sociétés américaines. Il est donc probable que les Saoudiens, tout comme d’autres membres de l’OPEP, aient envisagé de transférer leurs fonds ailleurs en cas de difficultés dans le système bancaire américain.

Cependant, étant donné les montants en jeu, le retrait, ne serait-ce que partiel, des dépôts saoudiens des quatre plus grandes banques américaines pourrait entraîner leur faillite. Les réserves d’or de l’Arabie saoudite sont actuellement estimées à environ la moitié de celles de la Chine ou du Japon. Ainsi, tout mouvement majeur de leurs fonds constitue une menace directe pour le système bancaire américain, suscitant des inquiétudes considérables. Les actions des sénateurs américains sembleraient donc être un avertissement aux Saoudiens : tout retrait massif de leurs fonds des banques américaines les exposerait à des accusations d’entente au sein d’un cartel et entraînerait des sanctions. Leurs avoirs pourraient alors être gelés pour payer d’éventuelles amendes.

Ceci est seulement un exemple parmi d’autres des stratégies utilisées pour maintenir une relative stabilité dans le système financier américain.

Le marché américain de travail et l’inflation

La santé économique d’un pays peut être estimée en grande partie à travers l’état de son marché du travail. Jetons un coup d’œil à la situation de l’économie américaine en ce qui concerne l’emploi.

D’un point de vue économique, les États-Unis ressemblent actuellement à un marais fragile : bien que leurs finances ne semblent pas être en chute libre, l’inflation montre quelques signes d’amélioration légère et le budget américain ne semble pas être en état si terrifiant, cet équilibre précaire pourrait basculer dans de véritables difficultés suite à un événement majeur, tel qu’une faillite bancaire ou des déclarations des Saoudiens concernant leur production pétrolière.

Les statistiques économiques publiées en mars mettent en évidence les tendances suivantes. L’emploi aux États-Unis augmente, étant maintenant 2 % supérieur à son niveau d’avant 2020. Cependant, la principale préoccupation est que cette croissance de l’emploi se concentre dans des secteurs d’activité où le travail manuel est prédominant et la productivité est faible, tels que la restauration, le commerce de détail, la sécurité sociale, le secteur public et la culture. Malheureusement, des secteurs à faible productivité ne peuvent pas soutenir des salaires élevés. Ces derniers sont plutôt associés à des secteurs à forte productivité, comme l’industrie, la robotique et l’informatique. Prenons par exemple Hollywood, qui produit des films et génère des recettes grâce aux copies numériques diffusées partout dans le monde.

Le constat est que, bien que les États-Unis affichent formellement une croissance de l’emploi, ils rencontrent en même temps une pénurie de main-d’œuvre dans ces secteurs à faible productivité. Cette pénurie aura pour effet d’accentuer l’inflation, car les employeurs seront contraints d’augmenter les salaires pour attirer des employés en compétition avec d’autres entreprises. Dans ce contexte, la lutte pour réduire l’inflation s’annonce difficile. Officiellement, les Américains déclarent que leur inflation diminue progressivement. En février 2023, l’inflation était de 0,4 %. Les mois précédents, elle était de 0,5 %, puis 0,6 %… En glissement annuel, l’inflation sur les produits de consommation était de 6 %. Heureusement, les pics d’inflation avoisinant les 10 % sont déjà passés. Cependant, la pénurie de travailleurs dans les secteurs à faible productivité rendra la réduction de l’inflation plus difficile. C’est pourquoi la Réserve Fédérale a augmenté les taux d’intérêt pour soi-disant lutter contre l’inflation. Cela a toutefois entraîné des problèmes pour des banques telles que la Silicon Valley.

En ce qui concerne d’autres tendances intéressantes en matière d’inflation pour certains groupes de produits, prenons par exemple les produits alimentaires, qui ont connu une augmentation de 10 % en termes annuels, bien loin du taux moyen d’inflation déclaré de 6 %. De même, l’énergie, l’électricité et les services municipaux ont augmenté de 13 à 14 %, dépassant également le taux officiel d’inflation. Les coûts liés au transport, largement tributaires du prix du carburant, ont augmenté de 15 %. Cependant, les salaires ne suivent pas cette même croissance.

Par ailleurs, les prix des voitures d’occasion ont baissé de 14 %. Il est possible de jouer astucieusement sur la part des voitures d’occasion dans le panier général des consommateurs pour influencer le taux moyen d’inflation à la baisse. Enfin, les prix du pétrole et de l’essence ont récemment légèrement baissé, ce qui contribue également à maintenir l’inflation dans les limites officielles souhaitées.

En conclusion, il est important de noter que, même sans déformer les chiffres originaux liés à l’inflation, les taux d’inflation rapportés ne reflètent pas pleinement la situation sur le terrain. La persistance de secteurs à faible productivité pourrait continuer à alimenter l’inflation et poser des défis à la politique économique américaine.

Les États-Unis contre la Chine

Début mars, Reuters a rapporté que les États-Unis auraient négocié avec leurs alliés en vue d’imposer des sanctions à l’encontre de la Chine, en raison de ses relations commerciales continues avec la Russie. Cette démarche vise à tester la volonté des alliés les plus proches des États-Unis quant au sujet des éventuelles sanctions contre la Chine, principalement parmi les pays du G7. Il convient de se demander quelle est la probabilité que les États-Unis imposent effectivement des sanctions à la Chine et quel objectif cherchent-ils à atteindre avec ces mesures punitives et restrictives ? La politique des sanctions est-elle dirigée contre la Chine, la Russie ou les deux pays ?

Une analyse approfondie suggère que la raison fondamentale de cette situation ne réside pas tant dans la Russie que dans le succès de l’économie chinoise. Celui-ci se manifeste sur la scène internationale par l’énorme excédent commercial de la Chine vis-à-vis des États-Unis et de l’Europe, signifiant ainsi d’importants déficits pour ces derniers dans leurs échanges avec la Chine. À la fin de l’année 2022, le déficit commercial entre la Chine et les États-Unis s’élevait à près de 400 milliards de dollars, en augmentation de 8 % en un an. De même, le déficit commercial de l’Europe vis-à-vis de la Chine s’élevait également à environ 400 milliards de dollars l’année dernière. Les États-Unis et l’Union européenne sont donc confrontés à la nécessité de résoudre ce problème de manière proactive, et pour cela, toutes les options semblent être envisagées.

Parmi les projets de sanctions les plus inattendus à l’encontre de la Chine figurent des mesures liées à la violation du droit d’auteur. En effet, les ménages chinois sont friands de films hollywoodiens et utilisent des logiciels américains, mais selon le point de vue américain, ils ne paient pas autant que les Européens pour la propriété intellectuelle. Si les Chinois payaient au même niveau que les Européens, cela pourrait contribuer à résoudre certains problèmes budgétaires et de déficit commercial entre la Chine et les États-Unis. Ce sujet est donc au cœur des discussions sur les sanctions et implique des sommes s’élevant à des milliards de dollars.

D’autres tentatives d’imposer des amendes à la Chine ont été liées à l’apparition de la pandémie de covid-19 sur le territoire des États-Unis, la prétendue fourniture par la Chine d’images satellites au groupe militaire Wagner, ainsi que la fourniture d’équipements de communication à ce même groupe par Huawei.

Rappelons-nous qu’il y a quelque temps, des ballons blancs d’origine chinoise ont été aperçus dans le ciel américain, suscitant des rumeurs d’extraterrestres, que même le chef du commandement terrestre des États-Unis a soutenues. Lorsque ces objets ont été abattus, les États-Unis ont rapidement imposé des sanctions à la Chine, sans toutefois qu’elles soient très significatives.

Dès lors, l’enjeu est de trouver un prétexte légitime qui permettra tout simplement d’accéder à des fonds provenant de la Chine, ou tout du moins, d’explorer la possibilité de réviser certains aspects de leurs relations commerciales. Peut-être que la Chine serait prête à accepter tacitement d’autres conditions qui l’inciterait, comme par exemple, à investir davantage sur le marché de la bourse américaine.

Toutes ces mesures visent uniquement à résoudre le problème lié aux réserves d’or chinoises détenues par les banques américaines. En ces temps où les banques du pays traversent des périodes difficiles, les autorités des États-Unis s’efforcent de renforcer au maximum leur système financier.

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Lara STANLEY

Lara STANLEY écrit les analyses centrées essentiellement sur les sujets de l’économie, la finance et la société. Ayant travaillé dans les domaines de développement,...

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