Lorsque nous plongeons dans les bases de données économiques, nous y trouvons des enregistrements d’une multitude quasi-infinie de transactions humaines : naissances, mariages, taux d’endettement ou taux de faillite des entreprises, revenus des ménages, taux de chômage, etc.
Ces données offrent des informations à propos de ce que les gens font. Toutefois, ces données ne peuvent pas nous dire ce que les gens pensent. La maîtrise de ce dernier sujet pourrait révolutionner le monde : ce que les employés pensent à propos des actions de leur direction, ce que les électeurs pensent des hommes et des femmes politiques qui les représentent, etc. Car ce que les gens pensent affecte leur comportement. Cette connaissance aurait mené vers plus d’efficacité, de l’anticipation des attentes ou des troubles, ainsi que toute une multitude d’usages que nous ne soupçonnons même pas.
La société Gallup s’est lancée dans cette aventure à une échelle gigantesque. Elle a créé une entité entièrement dédiée à l’économie comportementale et lancé un World Poll. Ce dernier sert à effectuer les enquêtes d’opinion sur les échantillons représentatifs de tous les pays du monde. Initiée en 2005, Word Poll vise à collecter et analyser les données pendant 100 ans.
On va laisser de côté les analyses et les méthodes que Gallup a utilisé pour définir les indicateurs les plus pertinents, permettant de détecter ce que les gens pensent. On ne va pas plonger dans les bases de données utilisées pour leurs benchmarks (celles des universités, des Nations Unis, de la Banque Mondiale ; des archives de l’Union Européenne, de l’U.S. State Department, etc.). Ce qui compte c’est qu’ils sont arrivés aux questionnaires ayant le même sens et mesurant les mêmes standards de qualité de vie pour les habitants de plus de 150 pays. Maintenant ils mesurent le bien-être, le respect des droits, les espoirs et les rêves, la souffrance et la prospérité, les problèmes de l’environnement et des lieux de travail, etc.
Après six années de collecte et d’analyse des données Gallup a fait une découverte extraordinairement utile, impressionnante et inattendue, celle qui peut changer le monde. En effet, d’après leurs analyses des pensées et des espoirs, ce que le monde entier veut c’est un nouveau travail. Un nouveau type de travail. De Kuala Lumpur à Berlin, de Bagdad à Los Angeles, la pensée, la préoccupation dominante de toute personne est d’avoir un bon travail.
Le mot « bon » est important. « N’importe quel » travail ne suffit plus. Les gens veulent un travail qui les occupe le temps qu’ils souhaitent. Le fait de donner un coup de main au cousin boulanger quelques heures par ci par là, est très éloigné de l’expérience procurée par le travail dans une entreprise enregistrée auprès des organismes de gouvernance, le travail qui vous occupe au moins 30 heures par semaine.
Certaines des générations précédentes ont été préoccupées par les pensées à propos de la nourriture et le toit au-dessus de la tête. D’autres construisaient leurs souhaits autour de « peace and love». Les 20-30 dernières années, les instabilités économiques ont complétement changé le paysage. Maintenant les gens veulent un bon travail pour eux et leurs enfants. Car le fait d’avoir ou pas un bon travail définit vos relations avec votre entourage, votre ville, votre pays, le monde entier…
Regardons la situation française. Dans son rapport “Le temps de travail au XXI siècle” publié en 2011, l’Organisation Internationale de Travail indique que le pourcentage des travailleurs à temps réduit (moins de 35 heures) en France est l’un des plus élevés parmi les pays développés. Il dépasse 40% de la population active et positionne la France en 2ème position après le Pays-Bas, le plus mauvais élève.
Lorsque nous regardons la situation plus en détail, nous nous apercevons que
- Le pourcentage de femmes françaises travaillant à temps partiel (~55%) est le 2ème le plus élevé parmi les pays développés et les pays en développement et en transition (toujours derrière le Pays-Bas).
- Le taux des hommes occupant un emploi à temps partiel (plus de 30%) est le plus élevé parmi TOUS les pays analysés par l’Organisation Internationale de Travail.
Vous ne sentez pas un peu de tension, de malaise dans l’air ?
D’après Jim Clifton, le Président du Conseil d’Administration et le PDG de Gallup, le désir universel d’un bon travail fait que les « bons » emplois deviennent une nouvelle devise d’échange dans le monde.
Ce fait modifie considérablement plusieurs tendances, dont celle des flux migratoires. Depuis des centaines de milliers d’années les humains migraient vers des destinations où ils pouvaient améliorer leurs vies et celles de leurs familles. Ceux qui migraient les premiers étaient toujours les meilleurs en quelque chose : les plus courageux, les plus curieux, les plus intelligents.
Les explorateurs d’aujourd’hui migrent vers les endroits qui leur permettent de maximiser leurs talents et leurs compétences liés à l’innovation et à l’entrepreneuriat. Dans les endroits où les gens les plus talentueux choisiront d’aller, vont naître les nouveaux empires économiques. C’est pourquoi les villes comme San Francisco ou Singapour sont devenues des moteurs colossaux de création d’emploi. Le même sera vrai demain : si les explorateurs talentueux du XXIème siècle choisissent une nouvelle ville, elle trouvera le jackpot du leadership mondial. Cette ville gagnera les meilleurs cerveaux, les talents, et, par conséquent, la création massive des emplois.
Alors, quelle est votre prochaine destination ?
Source d’image : Wikimedia (1 + 2)
Source des graphiques : “Le temps de travail au XXI siècle”, Organisation Internationale de Travail, 2011
