Ces facteurs inattendus qui influencent le taux de chômage

Cher lecteur, vous vous êtes certainement posé la question : pourquoi, malgré les efforts des gouvernements successifs, l’emploi en France ne repart-il pas ? En effet, tous les médias ont relayé les dernières statistiques de chômage, publiées par l’INSEE : une hausse de 0,8% pour le mois de novembre, de 6,5% sur un an. On parle de réforme du code de travail, des réformes structurelles nécessaires… Il n’est pas certain que ces « grands travaux » puissent impacter sensiblement la courbe du chômage, car beaucoup trop de facteurs influencent le niveau de l’emploi dans une économie donnée. Ceci est l’une des conséquences de la complexité de plus en plus incroyable de notre monde interconnecté et globalisé.

Par ailleurs, l’état quasi embryonnaire de l’utilisation de l’économie comportementale en France ne permet pas tellement de détecter et d’influencer ces mini-générateurs de fluctuation du taux d’emploi. Pour mieux comprendre cette problématique prenons les exemples de l’économie extrêmement quantifiée et étudiée sous tous les angles : les Etats Unis.

Steven DAVIS, Professeur à l’University of Chicago Booth School of Business, dans ses récents travaux s’est penché sur la stagnation du marché américain de l’emploi suite à la crise financière de 2008. Le taux de chômage restait anormalement élevé jusqu’en 2013. Lors de cette même période beaucoup d’offres d’emplois n’étaient pas pourvues soit pendant très longtemps, soit pas du tout. La raison d’une telle distorsion entre l’offre assez abondante et la demande réside dans un facteur précédemment négligé : lorsque le marché est assez détendu, les employeurs consacrent moins de ressources à la recherche des candidats.

Professeur DAVIS et ses collègues ont développé des nouvelles métriques permettant de mesurer l’intensité des efforts de recrutement des employeurs. Ces métriques prennent en compte le rôle des dépenses publicitaires, les méthodes de sélection, les standards d’embauche, les packages de rémunération et d’autres outils que les employeurs utilisent pour gérer les taux de remplissage des postes à pourvoir.

Ces travaux démontrent que l’intensité de recrutement a brusquement chuté lors de la « Grande Récession » américaine. En 2012 elle était toujours 11% en-dessous de son niveau d’avant la récession. Cette variation de l’intensité de recrutement est différente selon les domaines d’activité. Tourisme et Loisirs ont contribué à environ un tiers de la chute de l’intensité pendant la Grande Récession. Le BTP qui représente seulement 5% d’emplois aux Etats Unis, comptait pour plus de 40% d’oscillation du taux de remplissage des postes vacants d’avant et d’après la récession.

Un autre facteur qui semble avoir une influence encore plus significative sur le taux de chômage que celui que l’on vient de décrire est le prix du pétrole. Une précédente recherche de Steven DAVIS concernant différents chocs économiques entre 1972 et 1988 le met en exergue. En effet, l’impact de la variation brusque des prix de pétrole sur le marché de l’emploi est deux fois supérieure à ceux produits par les chocs monétaires / boursiers. Cette influence est asymétrique : la chute des prix du pétrole engendre une hausse du taux d’emploi. Pendant la hausse du prix de pétrole la destruction des emplois est très significative, surtout à court terme. Par exemple, dans le secteur manufacturier l’impact des prix du pétrole représente entre 20% et 25% de la variation totale du taux de chômage. Nous pouvons en déduire donc que la baisse récente des prix du pétrole mènera à une hausse du taux d’emploi.

On évoque souvent le manque de flexibilité parmi les faiblesses du marché français de l’emploi. Etonnamment, même le marché américain, cité comme exemple en France, souffre du même fléau. Toujours en suivant les travaux de Professeur DAVIS, nous apprenons que le taux de réallocation des emplois entre les différents domaines d’activité a chuté d’un quart depuis 1990. Le taux de réallocation des employés depuis 2000 a également diminué de 25%. Le terme de « réallocation des emplois » signifie que lorsqu’un domaine d’activité crée moins d’emplois, d’autres reprennent la relève et créent des emplois du type similaire. En ce qui concerne la « réallocation des personnes », cela sous-entend que les employés ont des compétences assez facilement transférables et peuvent trouver un emploi dans un domaine d’activité qui n’est pas celui où ils ont travaillé dernièrement. Sans aucune surprise les travaux de Steven DAVIS démontrent que cette chute de réallocation concerne surtout les jeunes et les personnes les moins qualifiées.

Les facteurs que nous venons de décrire ne représentent qu’une partie infinitésimale de tout ce qui constitue le marché d’emploi dans une économie moderne. Toutefois ces facteurs démontrent clairement que les recettes miracles permettant d’augmenter le taux d’emploi n’existent pas. Il semble assez pertinent d’analyser et ensuite d’influencer tous les éléments d’une chaine de valeurs en entier (intensité de recrutement, par exemple) au lieu de s’appuyer uniquement sur des mesures globales.

Dans ce contexte le point positif suivant ressort clairement. En parlant des solutions qui peuvent dynamiser le marché de l’emploi, Professeur DAVIS évoque les craintes des employeurs à prendre des risques d’embauche. Pour réduire ce risque il propose une mesure phare. Il suggère d’introduire une période qui suit l’embauche d’un employé et pendant laquelle, si ce recrutement était un échec, l’employeur pourrait se séparer de l’employé assez facilement et sans pénalités. Cela ressemble fortement à la période d’essai telle qu’elle existe en France. Un facteur de moins à analyser pour relancer l’emploi français…

Source d’image : S. Davis, J. Haltiwanger « Labor Market Fluidity and Economic Performance »

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Lara STANLEY

Lara STANLEY écrit les analyses centrées essentiellement sur les sujets de l’économie, la finance et la société. Ayant travaillé dans les domaines de développement,...

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