Diversité des voies de développement : Lettonie

En participant aux rencontres d’affaires entre les représentants des pays Baltes et de la France, tout observateur averti pourrait conclure que la connaissance des pays baltes par les français n’a pas beaucoup évolué depuis dix-quinze ans. Or, depuis 2004, l’année lors de laquelle ces pays ont rejoint l’Union Européenne, et plus généralement, depuis 1991, l’année de chute de l’Union Soviétique, beaucoup de changements ont eu lieu.

Prenons l’exemple de la Lettonie. Proche des pays Scandinaves et de l’Europe de l’Ouest, ce pays est devenu un point important sur la carte des affaires européennes. Après 1991 ce pays est très vite devenu une mini-zone « offshore » pour les capitaux russes. Une sorte de point de départ vers l’Occident. Les banques du pays ont très vite compris les avantages de leur situation géographique, et ont été très actifs dans le développement de l’activité commerciale entre la clientèle russe et les pays de l’Ouest. Le succès était tel, que vers le milieu des années 90s un fait divers amusant a percé dans la presse : lorsqu’à cette époque les Etats-Unis ont décidé de changer le billet de 20 dollars (qui était, apparemment, parmi les plus falsifiés) pour le rendre plus sécurisé, leur étonnement n’avait pas de limites, cars ils se sont aperçus que le pays du monde où il y avait le plus grand nombre des billets de 20 dollars en circulation était… la Lettonie.

Ainsi, de point de vue stratégique la Lettonie peut servir d’un point de démarrage pour les entreprises qui souhaitent aborder le marché russe, très complexe en soi. L’une des raisons de la pertinence d’une telle démarche est le fait que la Russie soit toujours le premier investisseur étranger direct en Lettonie. La deuxième place est occupée par Chypre, qui, comme tout le monde le sait, est un autre trampoline d’investissement vers l’occident pour les capitaux russes. Ces deux pays sont suivis par 2-3 pays scandinaves et l’Allemagne. La France se trouve bien derrière, quelque part à la 7ème ou la 8ème position.

Toutefois, la Lettonie a ses faiblesses dans son développement économique. Entre 1991 et 2011 elle a perdu 23% de sa population. Pour un pays qui compte aujourd’hui un peu moins de 2,5 mlns d’habitants (l’équivalent de Paris intramuros), ceci est une perte significative. Ces pertes ont plusieurs origines. D’une part, beaucoup de russophones ont quitté la Lettonie face aux politiques ouvertement antirusses et nationalistes. Une partie significative de cette population était hautement qualifiée (professeurs, ingénieurs,…). D’autre part, le taux de fécondité n’a pas arrêté de baisser lors de cette période. Actuellement, avec 1,34 enfant par femme, la Lettonie occupe la 210-ème position sur 224 dans le classement mondial. En même temps la Lettonie est à la 44ème place dans le classement de l’indice de développement humain, c’est qui est un très bon indicateur, car, à titre de comparaison, en 2013 la France est descendue à la 20ème place.

Entre 2004 et 2008 la Lettonie a connu plusieurs bulles (économique, immobilière) suite à l’accès aux financements européens et à la politique de dumping fiscal. La crise financière a touché le pays de plein fouet et le gouvernement a dû agir par des mesures drastiques de réduction des coûts. En 2009, les employés de l’Ambassade de la Lettonie à Paris parlaient du fait qu’avant la crise, ils avaient des dotations pour le repas du midi leur permettant d’aller manger dans un bistro local. Après les coupes budgétaires ces dotations suffisaient uniquement pour acheter un sandwich chez Franprix… Toutefois, ces mesures d’austérité ont permis au pays de revenir vers la croissance économique malgré la réduction des subventions européennes. L’ambassadrice de la Lettonie en France attribue ceci en grande partie au fait que la majorité des lettons ont été éduqués dans la culture protestante ayant beaucoup de respect pour le travail : « on sait se serrer la ceinture et travailler beaucoup quand il le faut». En même temps, le pays a gardé le taux d’imposition des sociétés à 15% avec les ménages imposés à taux unique de 25%.

Avec tout cela la Lettonie reste un pays très dynamique. Son secteur de nouvelles technologies s’exporte bien à l’international et notamment dans les anciennes républiques de l’Union Soviétique. Le pays a plusieurs zones spéciales d’activités économiques, les équivalents des pôles de compétitivité, incubateurs de jeunes entreprises innovantes, etc.

Prenons l’exemple de la ville de Jelgava, qui se trouve à une soixantaine des kilomètres de la capitale, Riga, et qui est la quatrième ville en nombre d’habitants (~67 000 habitants) et la deuxième ville étudiante du pays. En créant une zone économique spéciale, et en se dotant d’un pôle d’innovation, cette région a fait des efforts considérables pour développer les PME/PMI locales et les porter vers le développement l’international. Sur ce petit (par rapport à la France) espace géographique se trouvent plusieurs entreprises ayant entre 25 et 300 salariés et ouvertes aux collaborations internationales, parmi lesquelles il y a :

  • Fabricant des articles de puériculture ;
  • Constructeur mécanique ;
  • Spécialiste de polygraphie ;
  • Fabricant de portes et de fenêtres en bois ;
  • Fabricant de tuyaux en plastiques ;
  • Constructeur de bus ;
  • Fabricant de minoterie ;
  • Fabricant de panneaux routiers (signalisation) ;
  • Concepteur / fabricant / constructeur des chalets ;
  • Fabricant de produits laitiers ;
  • Fabricant de la céramique ;
  • Entreprise de recyclage de plastiques ;
  • Entreprise de production d’avions sans pilote (drones).

En 2014 la Lettonie compte rejoindre l’euro. De point de vue pratique cela signifie, entre autres, que tout investisseur dans une jeune PME/PMI lettone, correspondantes aux standards européens, pourra bénéficier de déductions fiscales en France.

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Lara STANLEY

Lara STANLEY écrit les analyses centrées essentiellement sur les sujets de l’économie, la finance et la société. Ayant travaillé dans les domaines de développement,...

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