Emploi et croissance

Le problème le plus urgent pour la France d’aujourd’hui c’est le manque de bons emplois, des emplois pérennes à plein temps pour tous ceux qui veulent travailler. Quoi que l’on en dise, le problème principal du pays ce n’est pas le déficit budgétaire, ni les pactes de compétitivité, de responsabilité ou autres accords de ce type. Ce n’est pas la problématique des banlieues, ni l’environnement, ni l’Europe.

Le problème urgent à résoudre réside dans le fait que si la France n’arrive pas à faire croitre son PIB d’une manière significative et durable, elle n’arrivera pas à créer des emplois et deviendra un pays insignifiant.

Le PIB et l’emploi sont la cause et l’effet l’un de l’autre. L’œuf et la poule. Sans la croissance du PIB l’économie ne va pas créer des emplois. Sans la création des emplois, le PIB, constitué à 79,5% de consommation (ou à 53% de consommation des ménages) ne va pas croitre. Par ailleurs, ce n’est pas forcement sa taille qui compte, mais la direction dans laquelle il évolue : il croit, décroit ou stagne.

Moins le PIB croit, moins le gouvernement a de l’argent pour financer les écoles, les universités, la police, les allocations familiales, les routes, la R&D, etc.

En même temps, lorsque les entreprises se développent moins, elles créent moins d’emploi. Par conséquence, moins d’impôts vont venir remplir les caisses d’Etat et financer ses fonctions mentionnées ci-dessus.

Lorsque l’emploi chute, le PIB chute. Lorsque le PIB chute, le financement d’économie chute.

Depuis longtemps nous vivons dans un monde où le taux de chômage se situe aux alentours de 10%.

De plus, parmi les personnes qui ne sont pas considérées comme demandeurs d’emploi, une partie est sous-employée. Cela signifie que beaucoup de ceux qui travaillent à temps partiel auraient préféré travailler à temps complet. Par ailleurs, si vous êtes un ingénieur et si votre travail se limite aux cours particuliers des maths et de physique, vous êtes clairement sous-employé par rapport à vos capacités et vos qualifications. Les « sous-employés » peuvent facilement doubler le taux de chômage.

Et puis, il y a le troisième groupe particulier dans notre société : ceux qui ont perdu l’espoir de trouver tout type de travail…

Les personnes faisant partie de ces trois groupes ne peuvent pas prendre de crédit pour acheter leur logement ou les biens de consommation, ne peuvent pas partir en vacances, ou, tout simplement, mettre de l’essence dans leur voiture pour aller passer des entretiens d’embauche.

Il est connu que toute personne étant restée plus de 18 mois au chômage, commence à perdre des liens avec son cercle d’amis et ses proches, à éviter la vie sociale. Les personnes dans cette situation sont malades plus souvent que la moyenne, elles souffrent plus souvent de dépressions. Ces personnes ne retrouveront probablement jamais leur niveau de productivité optimal. Nul n’a calculé combien ces effets secondaires de « non-emplois » coûtent à la société.

En même temps, l’appartenance à un groupe, l’identification avec son travail se sont particulièrement renforcées au cours des dernières années. Il est devenu important d’avoir un bon travail. Avoir un super travail, celui qui vous offre des possibilités illimitées de développement, est plus important que le niveau de salaire.

C’est pourquoi la création des bons emplois est aussi importante. Mais elle est difficile, car tout le monde, et surtout ceux qui prétendent qu’ils savent comment créer des emplois (gouvernements, académiciens-chercheurs, experts dans toute sorte d’institutions) cherchent ces nouveaux emplois dans les mauvais endroits. Ces catégories de personnes se trompent le plus au sujet de la création des emplois.

Une étude de McKinsey concernant la création des emplois a été récemment publiée par Les Echos. Triste de constater, mais les mesures proposées par ce grand cabinet de stratégie ne sont que des « à côtés » qui manquent d’une orientation stratégique globale.

La seule solution pour la France ou tout autre pays est d’augmenter la taille du gâteau nommé PIB. Cela signifiera plus d’emploi. Mais on ne peut pas simplement jeter des milliards dans l’innovation et la R&D (proposée comme l’axe majeur de création des emplois en France par McKinsey) et d’attendre que la percée économique arrive. C’est une fausse bonne route.

Pour amplifier le problème, beaucoup trop de français peuvent être qualifiés comme peu conscients des réalités. Ils pensent que l’État va venir avec différentes sortes d’aides pour les sauver. Or les gouvernements n’ont pas d’argent. Les personnes physiques et les entreprises en ont. Et si la grande majorité des français ne va pas travailler en-dehors du secteur public, le pays va faire faillite un jour.

Une phrase dans l’éditorial de Jean-Marc Vittori, consacré à l’étude de McKinsey citée précédemment mérite l’attention : « Si la France avait la même proportion de sa population employée dans le secteur privé que l’Allemagne, le Royaume-Unis ou les États-Unis, elle compterait 5 millions d’emplois supplémentaires. »

En évoquant l’emploi on parle beaucoup de grandes entreprises. Très peu de gens savent que ce sont les petites et les moyennes entreprises qui créent des emplois. Les grandes entreprises sont importantes pour l’écosystème économique non pas parce qu’elles emploient beaucoup de personnes, mais parce qu’elles sont les principales clientes des petites et moyennes entreprises.

La base imposable est constituée essentiellement par les entreprises de moins de 500 salariés et encore plus par celles avec moins de 100 employés. Lorsque ces petites et moyennes entreprises sont en pleine croissance, les flux d’impôts de toute sorte allant dans les caisses d’Etat augmentent.

En 2012 la France comptait 3,5 mlns d’entreprises. En laissant de côté 2,4 mlns d’entreprises individuelles, on voit que les entreprises de moins de 500 salariés représentent 99,8% du total. 3% d’entreprises ont entre 50 et 500 salariés et seulement 0,04% en ont plus de 2000. Plus précisément, la France compte seulement 506 entreprises de plus de 2000 salariés.

Alors, sauf si les petites et moyennes entreprises ne commencent pas à croitre et à renflouer les caisses d’Etat avec un flux de trésorerie bien solide, les dépenses publiques vont devoir être coupées encore plus drastiquement que le permettent présager les annonces officielles.

Bien sûr, il y a des moyens provisoires pour sortir de ce désastre. Par exemple, augmenter les impôts. Pendant certaines périodes la population accepte cela. Mais il ne faut pas que le provisoire dure longtemps, comme c’est souvent le cas en France.

Car à partir d’un certain niveau les impôts commencent à être contreproductifs : la population diminue sa consommation, perd la motivation pour gagner plus d’argent ou pour développer le business, les capitaux s’expatrient.

Toute solution visant la création des emplois doit stimuler fortement les dépenses de consommation, autrement le PIB chute. Pour résumer, il faut réduire les impôts et, en même temps, augmenter les volumes de production. Cela créera des emplois, la population va avoir plus d’argent à dépenser, ce qui augmentera le PIB.

Par ailleurs, les petites et moyennes entreprises sont également des consommatrices (fournitures de bureau, outils de travail), donc elles contribuent à la consommation qui augmente le PIB.

Il y a un point crucial à propos de croissance de l’emploi : changer la manière à découper le gâteau du PIB ne change presque rien. Découper le gâteau différemment ne change pas la taille du gâteau. Le gouvernement peut prendre un peu plus ici, un peu moins là, mais à la fin il n’y aurait pas assez d’argent. Lever trop les impôts ne crée pas des emplois. Il n’est également pas suffisant de réduire le déficit de l’Etat. Cela ne crée pas des emplois.

La seule solution du problème de l’emploi et de la croissance économique est de stimuler la croissance des entreprises. Éduquer, former les chefs d’entreprises non pas à la création, mais au développement de ces dernières. Pour qu’ils puissent faire grandir leurs entreprises jusqu’à ce qu’elles ont la taille des PME ou des ETI.

Sources des graphes : données INSEE

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Lara STANLEY

Lara STANLEY écrit les analyses centrées essentiellement sur les sujets de l’économie, la finance et la société. Ayant travaillé dans les domaines de développement,...

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