Jeux des fleurs

Les nouveaux enjeux économiques apparaissent dans l’affaire interminable des sanctions internationales contre la Russie et l’embargo russe sur certains produits internationaux.

La semaine passée, Sergey DANKVERT, le Président de Rosselhoznadzor (organisme responsable du contrôle sanitaire de produits agricoles, entre autres), a mentionné que son organisme pourrait interdire l’importation des fleurs en provenance de Pays-Bas. Cette déclaration a été faite lors de sa rencontre avec l’Ambassadeur de la Colombie à Moscou. La raison de cette annonce est la contamination des fleurs hollandaises par les organismes soumis à la quarantaine. Il s’agit, notamment, de trips, insectes qui peuvent être nuisibles aux plantes, dont les cultures agricoles. Même si la majorité des fleurs vendues par le Pays-Bas provient d’Amérique Latine, il a été prouvé que leur contamination a bien lieu dans le plat pays. Les contentieux entre les exportateurs hollandais et Rosselhoznadzor concernant les fleurs contaminées ont commencé déjà il y a quelques années. Des négociations entre les deux parties ont été menées pendant ce temps. Néanmoins, cette-fois ci, l’affaire semble bien aller vers l’interdiction des exports des fleurs du Pays-Bas.

Par ailleurs, le Ministre russe de l’Agriculture, Alexandre TKACHEUV a proposé fin juin, d’élargir la liste des produits interdits à l’import vers la Russie en y incluant les confiseries, les conserves de poisson et les fleurs.

Tout cela aurait pu rester au niveau d’une plaisanterie que l’on peut lancer négligemment dans des conversations mondaines, sauf que cette affaire peut avoir des conséquences économiques sensibles. En effet, tout est la question de la culture « florale » d’un pays, de l’importance que les fleurs ont dans la vie d’une société. Un bouquet des fleurs fait partie intégrale du quotidien de russes, il est inclut dans l’étiquette et tous les codes de bonne conduite : tout jeune (ou moins jeune) homme offre à une femme un bouquet des fleurs lors de leur premier officiel (ou tout autre important) rendez-vous, vous êtes sensés d’apporter des fleurs lorsque vous allez voir des amis, remercier votre secrétaire, visiter un malade. Les stars russes rêvent que leurs admirateurs leur offrent un million de roses rouges :

Et pour couronner le tout il y a également la fête de 8 mars, où toutes les femmes sont littéralement couvertes par des fleurs.

A l’époque soviétique les fleurs destinées à la vente en Russie ont été produits essentiellement dans les républiques du sud, comme la Géorgie, l’Arménie et l’Azerbaïdjan). Avec le temps les fleurs ont progressivement commencé à être exportées d’autres pays, dont le Pays-Bas. Ce dernier est historiquement le leader dans ce domaine. Sauf que depuis la tuplipomanie du XVII siècle la structure du business floral a bien évolué. Afin de réduire le cout de la main d’œuvre et d’éliminer les aléas du climat, la production des fleurs s’est déplacée dans d’autres pays. Aujourd’hui les plus grands producteurs des fleurs sont la Colombie, L’Equateur et le Kenya, ainsi que l’Ethiopie, la Tanzanie, l’Ouganda, le Chili, le Pérou, la Bolivie et le Mexique.

Toutefois, le marché mondial reste largement défini par le rôle d’importateur-réexportateur des Pays-Bas. Le plus grand importateur-distributeur du monde est toujours hollandais, il s’agit de Flora Holland qui traite 19 millions de fleurs par jour. La plus grande bourse florale, qui gère environs 50% du commerce mondial, se trouve à Aalsmeer, près d’Amsterdam :

Le20150730_Fleurss plus grands consommateurs des fleurs au monde sont les USA, la Russie et le Japon. Leur le PIB par habitant est de $54 597 pour les USA, de $12 926 pour la Russie et de $36 332 pour le Japon. Nous savons qu’à l’époque de mondialisation les prix des fleurs exportées sont assez similaires à travers le monde. Ainsi, lorsque nous comparons ce PIB par habitant des trois pays ramené au volume des fleurs importées par chaque pays, nous voyons qu’en nombre de fleurs exportées par habitant, la Russie devance de loin tout le monde.

En 2014 environs 30 700 tonnes de fleurs ont été exportées du Pays-Bas vers la Russie pour un montant global de $225,4 mlns. Cela représente 97,4% du volume des fleurs importées par la Russie de l’UE et 39% de tout l’import russe des fleurs.

Supposons que la Russie interdit finalement l’export des fleurs en provenance de Pays-Bas. A court terme cela risque de provoquer l’augmentation des prix et la réduction de l’assortiment sur le marché russe. A moyen terme cela promet des revenus supplémentaires aux régions ensoleillés du sud de la Russie, ainsi qu’aux pays du Caucase et de l’Asie Centrale. Il restera d’évaluer l’impact économique pour l’économie hollandaise.

Source de données : Service Fédéral des Douanes de la Russie

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Lara STANLEY

Lara STANLEY écrit les analyses centrées essentiellement sur les sujets de l’économie, la finance et la société. Ayant travaillé dans les domaines de développement,...

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