Les odeurs se sont disséminées et le monde entier a commencé à s’effacer…

Quel est le rôle de l’odorat dans notre vie ? Certains diront – il n’est pas si important. Nous remarquons son existence uniquement lorsque quelque chose sent très fort: les poubelles, la foule dans les transports en commun sans climatisation… Ou encore: un bouquet des fleurs, une parfumerie. Et puis, il y a les odeurs de la maison, de nos proches, des lieux de notre enfance qui nous ramènent des souvenirs…

Nous ne nous préoccupons que rarement de notre odorat, jusqu’au jour où nous le perdons…

L’un des exemples du désastre dû à l’incapacité de sentir les odeurs (anosmie) est décrit par Elizabeth ZIERAH dans son article publié par Slate. Elizabeth a perdu l’odorat après à un accident vasculaire cérébral à l’âge de 30 ans. Depuis elle boite et elle n’a retrouvé que partiellement l’usage de sa main gauche, mais tout cela devient pâle en comparaison avec la perte de l’odorat suite à une infection du sinus paranasal. Elle écrit : « Je peux dire sans aucune hésitation que la perte de l’odorat a été plus traumatisante que l’adaptation aux effets handicapants de l’AVC. Au fur et à mesure que les jours inodores et sans saveurs passaient, je me suis sentie prise au piège à l’intérieur de ma tête, dissociée, une sorte de claustrophobie du corps. C’était comme si je regardais le film de ma propre vie. »

Dans son livre Remembering Smell, Bonnie BLODGETT décrit sa propre anosmie et le déclin insidieux similaire à celui d’Elizabeth ZIERAH. Elle note que dans les études du disfonctionnement olfactif et de l’humeur, on remarque que « la dépression occupe le territoire où le nez ne fonctionne plus ». Elle souligne également que dans le «Guide d’évaluation de l’incapacité permanente » de l’American Medical Association l’odorat (tout comme le goût) est considéré comme une mesure tout à fait mineure de la « valeur de la vie ». Comme telle, la perte de l’odorat est très peu compensée lors des accidents de travail qui la causent. La situation n’est pas très différente dans le reste du monde. Toutefois, elle a une forte probabilité d’évoluer très prochainement.

En effet, dans les premiers jours d’octobre les chercheurs de l’Université de Chicago ont publié leur découverte qui indique que la capacité d’une personne à distinguer les odeurs est un sinistre, mais excellent indicateur de sa mort imminente. Lorsque votre odorat s’affaiblit, le risque de votre décès au cours de cinq prochaines années devient plusieurs fois supérieur à celui de vos pairs.

Ainsi, les BBC, Reuters, The New York Times, The Guardian, The Atlantic, The Economist et beaucoup d’autres médias ont communiqué sur cette découverte faite par les docteurs Jayant PINTO, Martha McCLINTOCK et leurs collègues. Cette large couverture est probablement due au fait que la perte de l’odorat semble être un signe avant-coureur plus inquiétant que même un diagnostic du cancer ou d’insuffisance cardiaque. Cette idée est à la fois triviale et terrifiante, comme, apparemment, est l’histoire de sa découverte.

Vous souvenez-vous du « Loto des odeurs » de votre enfance ? Celui où il fallait deviner l’odeur d’un fruit, d’un condiment ou d’une plante cachée dans des petits boitiers ? La recherche citée ci-dessous était menée avec les outils similaires, ressemblant aux feutres qui enferment telle ou telle odeur. Fruit d’une collaboration entre le département de psychologie et de la chirurgie représentés, respectivement par les docteurs McCLINTOCK et PINTO, ces tests contenait cinq odeurs : menthe poivrée, orange, rose, cuir et poisson. Plus de 3000 personnes âgées entre 57 et 85 ans ont participé à ces tests. L’équipe des chercheurs a suivi leurs destins pendant cinq années consécutives après les tests. Ceux qui se sont trompés dans l’identification de toutes les cinq odeurs avaient une probabilité de décès trois fois supérieure à celle des personnes qui ont pu identifier toutes les odeurs. Cette causalité était observée indépendamment de l’âge, des conditions de la santé, des maladies mentales ou de toute autre variable qui pouvait être identifiée ou contrôlée par les chercheurs.

La partie la plus terrifiante de cette étude est que les docteurs McCLINTOCK et PINTO ne savent pas à quoi est dû ce lien entre les odeurs et la probabilité du décès. PINTO, spécialiste des maladies nasales, a tout simplement avoué « Ceci n’est pas clair »…

Toutefois, le fait le plus important à retenir est que les médecins devraient prêter plus d’attention à l’odorat de leurs patients, et de traiter ce sens comme l’un des indicateurs de la santé globale de la personne. La généralisation d’un test de l’odorat pourrait servir ce propos.

Le nerf olfactif, la seule conduite du nez d’une personne vers son cerveau, se trouve également être le seul nerf crânien qui est directement exposé à l’environnement. Ainsi, il est constamment exposé à la pollution, aux virus, etc. Il est tout à fait possible que l’anosmie soit une alerte consécutive à une exposition excessive aux polluants qui peut provoquer les maladies cardiaques ou le cancer.

Ils existent des études antérieures qui lient la perte de l’odorat avec les défaillances de la cognition et la maladie d’Alzheimer. Toutefois, aucune d’entre elles n’a lié aussi clairement l’anomie à la proximité de la mort.

Dans sa revue de presse, le docteur PINTO a mentionné que « l’odorat est le sens le plus sous-évalué et sous-estimé, jusqu’au moment où il disparaisse ». Espérons que cette étude permettra de lui prêter plus d’attention. Les êtres humains se sont lancés à la conquête de l’espace et des profondeurs marines. Pendant ce temps nous n’avons découvert que très peu de choses au sujet de l’outil que nous utilisons 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24, de notre propre corps.

Source image : Wikimedia

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Franz CONRAD

Franz CONRAD est un amateur des arts et de la culture. Il est également passionné par l’histoire en essayant de comprendre le mystère de...

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