L’ombre de Detroit

Le déficit de 400 millions d’euros dans le budget 2014 de la ville de Paris, plus de dix jours de grève à la SNCF, les jeux et les enjeux autour d’Alstom… Toute cette actualité fait penser à … Detroit…

Le 18 juillet 2013 Detroit, la 18ème ville américaine, a demandé la protection du Chapitre 9 du Code des Faillites. A cette période son déficit budgétaire représentait environ 200 millions de dollars et la dette s’élevait à presque 20 milliards de dollars.

Il y a à peine quelques décennies Detroit était l’une des villes le plus riches au monde. C’était un endroit agréable à vivre et à faire des affaires. Ensuite quelque chose a changé sans que la ville ne s’en aperçoive…

Plus précisément, quels étaient ces changements progressifs ?

Oui, il y avait la compétition internationale pour les produits fabriqués à Detroit (essentiellement les voitures). Mais il y avait également une mauvaise gouvernance à tous les niveaux de la ville et de ses entreprises. Les fabricants de voitures ont manqué de vision à long terme. Ils se sont comportés comme si la dominance des industriels américains était gravée dans le marbre. En effet, dans le monde d’après – guerre tout le monde achetait des produits américains. Le consommateur de l’époque n’avait guère d’autre choix…

Autres responsables du désastre qui a englouti Detroit ? – Les syndicats. Ils menaient une politique extrêmement agressive, car ils savaient que le top management des constructeurs automobile n’avait pas suffisamment d’arguments pour leur résister. La force des syndicats et la faiblesse du management des « big three » (General Motors, Ford & Chrysler) ont créé des organisations faites surtout pour servir le bien-être des employés, sans se préoccuper des intérêts des clients. Alors ces derniers ont cessé d’acheter les voitures qui sont devenues peu compétitives. Les emplois de ceux qui fabriquaient ces voitures sont partis au Japon, en Allemagne, en Corée du Sud. Une ville qui comptait 1,5 millions d’habitants dans les années 1950, n’a pu garder que quelques 700 milles vers 2013…

C’est ainsi que, ville après ville, tout un pays peut perdre sa compétitivité, tomber en désuétude…

Réfléchissons avec les chiffres en appui. En 2013 le PIB mondial était de 74 trillions de dollars :

  • Celui des Etats-Unis était de presque 17 trillions de dollars, soit 23% du PIB mondial ;
  • Celui de la Chine était d’environ 9,2 trillions de dollars, soit 12% du PIB mondial, suivi par
  • Le Japon (6,6%) ;
  • L’Allemagne (5%) ;
  • La France (3,7%) ;
  • Le Royaume-Uni (3,4%) ;
  • Le Brésil (3%) ;
  • La Russie (2,9%) ;
  • L’Italie (2,8%)
  • et l’Inde (2,5%).

Vers 2040, avec un taux de croissance annuel de 4%, le PIB mondial devrait dépasser 200 trillions de dollars. Celui des Etats-Unis (avec 2,5% de croissance annuelle) serait alors de plus de 33 trillions de dollars, soit 15% du PIB mondial. Celui de la France devrait atteindre 3,65 trillions de dollars, et sa part diminuerait à 1,7% du PIB mondial. Celui de la Chine augmentera sûrement jusqu’à 65 trillions de dollars, soit 31% du PIB mondial.

Lorsque cela se produira, la Chine dominera le monde avec une marge bien plus importante que celle des Etats-Unis actuellement. La règle d’or s’appliquera : celui qui possède de l’or règle les affaires du monde. Le pays qui gouverne le monde a généralement une économie plus prospère, il attire plus d’investissements, il crée plus d’emplois.

Alors, la situation similaire à celle de Detroit va se produire dans beaucoup de pays développés qui n’arrivent pas à générer de la croissance, à augmenter leur PIB, et, donc, à créer des emplois. Dans ces pays beaucoup de villes vont perdre des emplois peu compétitifs, leurs petites et moyennes entreprises vont fermer. Les grandes entreprises seront soit nationalisées, soit vendues aux investisseurs étrangers, soit elles vont partir. Tout business capable de déménager va partir. Les licenciements massifs auront lieu un peu partout et il n’y aura pas de nouveaux emplois créés pour les remplacer. Les collectivités territoriales et le gouvernement central vont avoir des dettes excessives suite à la contraction drastique de la base de population imposable, les meilleurs cerveaux vont partir

Ce n’est pas une image de fiction issue de « L’Armageddon ». C’est la projection de ce qui peut se produire réellement. De ce qui est déjà arrivé à Detroit, une ville anciennement prospère, basée dans le pays qui reste encore première puissance mondiale. Encore pour quelques années…

Source photo : Wikimedia

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Lara STANLEY

Lara STANLEY écrit les analyses centrées essentiellement sur les sujets de l’économie, la finance et la société. Ayant travaillé dans les domaines de développement,...

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