Nouvel état informationnel : vos choix

Nous vivons dans une époque étonnante : jamais avant l’humanité ne s’était trouvée dans un état informationnel ouvrant autant de perspectives complètement nouvelles, où il faut créer de nouvelles relations à travers les sociétés. Pour la première fois dans l’Histoire de notre civilisation nous sommes face au choix d’un monde autre, où il faut construire des relations sociologiquement totalement différentes.

Pour survivre dans le nouvel état informationnel, les ressortissants de toutes les couches de la société doivent se transformer en personnes conscientes et réfléchies, celles qui pensent à tout et à tous et qui sont responsables de leurs intentions et des résultats de leurs actions.

La justice sociale dans une telle nouvelle société ne devient rien d’autre que le fait de donner aux gens l’accès à tout type de connaissances et de méthodologies d’apprentissage, afin qu’ils puissent eux-mêmes comprendre le monde qui les entoure. L’approche : « Viens me voir, je vais t’expliquer comment il faut vivre », devient inapplicable.

Si l’existence consciente et réfléchie semble vous demander trop d’efforts, il y a une autre solution, c’est la biorobotisation massive de la société. Cela signifie l’intrusion dans le psychisme de chacun en contournant son côté conscient (à travers les médias de masse, les ordinateurs, internet, les technologies psychologiques). La question qui se pose dans ce cas est la suivante : s’il n’y a plus d’êtres humains, mais que des biorobots, qui va être le berger qui gardera le troupeau ?

L’accord à la biorobotisation c’est la dernière illusion de la société. Un biorobot n’est pas un être humain, c’est une créature antinaturelle. Le danger le plus flagrant de cette illusion est le fait que les normes d’éthique ne s’étendent pas aux robots…

Au cours de dernières décennies nous observons une tendance à l’abaissement de la qualité de l’éducation partout à travers la société. Comment se fait-il que les couches de la population qui se désignent comme les élites se sont retrouvées impactées par ce phénomène ? L’appartenance à l’élite sous-entend la possibilité d’avoir plus de choix : le choix d’habiter tel ou tel quartier d’une ville, le choix de mettre les enfants dans telle ou telle école, telle ou telle université…

Sauf que les barrières qui séparent les strates de la société, y compris l’espace informationnel, ne sont pas étanches. Lorsque la pop culture, le culte de l’amateur et autres maux des dernières décennies ont commencé à envahir les masses populaires, progressivement ils sont remontés vers le haut de la pyramide de la société. C’est une propriété de l’espace informationnel, où tout type d’information se diffuse et pénètre partout. Vous pouvez construire des murs, ils vont se fissurer et tomber un jour ou l’autre. Vous pouvez vous installer sur une île, on va creuser des tunnels ou construire des ponts vers votre île, y lancer des trains à grande vitesse, et l’information va y passer. Même en vous isolant physiquement au bout du monde, vous ne pourrez pas vous isoler des flux d’information envahissant votre existence.

Dans cette invasion d’information variée et contradictoire, comment faire le choix des orientations professionnelles et personnelles futures ? L’un des choix sera de suivre la facilité apparente d’une civilisation technogène et de la biorobotisation qui s’ensuit. L’autre choix est de faire l’effort de l’humanisation en se tournant vers une civilisation biogène. D’ailleurs, pourquoi faire ce choix ? Ces deux mondes, ne pourront-ils pas coexister ensemble ? La réponse est non.

Déjà en 1950 l’écrivain roumain Virgil Gheorghiu observait que les conquérants, lorsque leur nombre est inférieur à celui des conquis, vont pratiquement toujours adopter la langue et les coutumes de la nation conquise. Cela se produit pour des raisons de commodité et d’autres considérations pratiques, et malgré le fait que les conquérants restent les maîtres de la situation.

De la même manière, la société, qui contient quelques milliards des biorobots (ou de personnes vivant la dégradation du système d’éducation) et seulement quelques centaines de millions d’êtres humains, même si ce sont les humains qui gouvernent, va révéler les caractéristiques de sa majorité… biorobotisée.

Tandis que les biorobots maintiennent leurs caractéristiques et vivent conformément aux lois qui leur sont propres, les êtres humains, afin de mieux utiliser les biorobots, seront obligés de mieux les connaître et d’imiter leurs habitudes et leurs lois… Ce processus est propre à notre société, même si nous ne voulons pas l’admettre. Nous apprenons les lois et le jargon de nos subordonnés, que ce soient des biorobots, des robots ou des ordinateurs, afin de pouvoir les diriger. Ainsi, graduellement et imperceptiblement nous nous déshumanisons en adoptant le mode de vie de nos machines.

Rappelez-vous la comédie de Nancy Meyers Le Nouveau Stagiaire, où Robert De Niro joue un stagiaire de 70 ans qui procure des conseils de vie réelle aux geeks qui travaillent dans une start-up. Ces derniers manquent clairement d’intelligence émotionnelle, dont ils n’ont pas besoin pour travailler avec des ordinateurs. L’un des employés de la start-up demande au héros de Robert De Niro, comment établir des relations avec une jeune fille, un être humain, qui travaille dans la même société et qui lui plaît. Il raconte lui avoir envoyé des SMS. Beaucoup de SMS. Elle n’a jamais répondu. Ensuite ce jeune homme lui a envoyé des mails avec des smileys. Toujours pas de réponse. Alors, pendant la discussion avec Robert De Niro, dans une sorte d’illumination, il déclare : « Je devrais, probablement… aller lui parler ! »… Eh oui, les êtres humains se parlent encore pour trouver des solutions…

Avez-vous remarqué que les traits que les humains ont fièrement possédés pendant des millénaires, flétrissent petit à petit dans certains milieux professionnels ?… On entend des lamentations à propos de sentiments de vide et de l’angoisse qui soulèvent souvent les impuissantes et incohérentes tentatives pour remplir ce vide. Ce n’est probablement pas par accident que l’utilisation de la cocaïne et d’autres produits similaires dans la Silicon Valley est particulièrement élevée. Tout cela pour le plus grand bonheur non seulement des trafiquants de drogue, mais également de ceux qui vivent d’espionnage industriel…

La difficulté de faire le choix de l’avenir qui va vous conduire vers la meilleure réalisation de votre potentiel est due à la faible quantité et à la mauvaise qualité des informations que vous avez, ainsi qu’à vos capacités à les analyser. Le principal problème concerne les moins de trente ans dont la culture de consommation d’information est basée sur tout ce qui provient de différents gadgets et, parfois, de la télévision. En piochant un peu dans un gadget, un peu dans l’autre, il est impossible d’avoir une vision et une compréhension globales du monde.

Aujourd’hui cette mentalité, cette culture, où l’on ne maîtrise que des bribes d’information du type : « comment trouver un voyage moins cher », « comment remplir le temps libre », « où aller manger », englobe des couches de plus en plus larges de la population. Cela concerne même ceux qui sont considérés comme de bons, voire les meilleurs élèves des écoles ou des universités.

Avec une vision kaléidoscopique, morcelée du monde, ils ne peuvent plus faire la distinction entre l’information et la connaissance. Or, comme l’a bien remarqué Paul Watzlawick : « Knowledge can only be appropriated by knowledgeable, information just has to be believed » – Seuls les savants peuvent s’approprier le savoir, l’information n’a besoin que d’être crue. Si en parallèle on se réfère aux propos de l’expert des médias, Peter Phillips, professeur à la Sonoma State University : « Corporate media are in entertainment business, not in news business » (Les sociétés des médias traditionnels sont dans l’industrie du divertissement, pas dans l’industrie de l’information), nous devons nous résoudre à dresser un état des lieux assez déplorable de notre société.

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Lara STANLEY

Lara STANLEY écrit les analyses centrées essentiellement sur les sujets de l’économie, la finance et la société. Ayant travaillé dans les domaines de développement,...

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