Tout feu tout flamme dans la croissance du Dragon Rouge ?

Savez-vous lors de quelle période de l’histoire la croissance des pays occidentaux était à son plus haut niveau ?

Ne vous lancez pas dans la réflexion sur de nombreuses époques d’activité humaine. La réponse est assez simple : la croissance du monde occidental est devenue exponentielle pendant la Révolution Industrielle. Lors de cette période la population anciennement agricole migrait massivement dans les villes. Avant la révolution industrielle, la qualité de vie de la majorité de population dépendait entièrement de diverses forces de nature (sècheresse, inondations, maladies du bétail ou des cultures). En devenant ouvriers des usines et des industries de toute sorte, les populations ayant déménagé dans les villes commençaient à recevoir des salaires. Par ailleurs, en déménageant dans les villes, les anciens paysans, qui couvraient la quasi-totalité de leurs besoins avec les fruits des récoltes de leur terres et de la croissance de leur bétail, devenaient des prolétaires : rien ne leur appartenait, ils devaient tout acheter : de la nourriture aux vêtements. Cela permettait le développement des commences, les flux d’argent générés étaient réinvestis dans les nouvelles capacités de production, ce qui augmentait le besoin en main d’œuvre, alors, plus de gens déménageaient dans les villes, les salaires augmentaient pour les métiers plus qualifiés, et ainsi de suite.

Et voilà qu’il y a quelques mois, afin de maintenir sa croissance au niveau nécessaire à son développement soutenu, la Chine décidait, d’ici 2025, de déplacer dans les villes quelques 250 millions de personnes issues des zones rurales. Ce n’est qu’à peine plus de 18% des 1,35 milliards de chinois, mais cela est équivalent au déplacement de plus de la moitié de la population européenne. Ou, en termes annuels, c’est l’équivalent de déplacement d’un pays comme la Roumanie (~21 mln. d’habitants) par an.

En échange de leurs terres abandonnées, sur lesquelles vont être construites des nouvelles villes, cette population rurale va recevoir de la part du gouvernement chinois une sorte de prime. Alors, que vont faire tous ces millions d’ex-paysans sans leurs terres et sans aucune qualification? – Beh, ils vont construire ces mêmes villes et les infrastructures correspondant. Et ensuite ? – La question reste ouverte, car dans le cas où la Chine ne parvient pas à créer plus d’emplois pérennes sur la base de la consommation intérieure ou des exports, ces ex-paysans vont se transformer en chômeurs en colère. Les tensions sociales risquent de s’aggraver, générant des feux et des flammes de soulèvements des anciens habitants des campagnes du pays du Dragon Rouge…

La population chinoise vieillit: d’ici 2020 chaque actif du pays va devoir s’occuper de six membres âgés de sa famille : deux parents et quatre grands-parents. Dans la situation où l’économie chinoise ralentit, l’urbanisation de sa population est, effectivement, l’une des solutions pour accélérer l’économie, car les nouveaux citadins vont gagner deux à trois fois plus qu’en restant dans leurs campagnes. Cela devrait permettre d’augmenter le taux de consommation intérieure dans le PIB chinois des 30%-40% actuels jusqu’aux 60%-70% propres à la structure du PIB des pays occidentaux. En même temps cette consommation intérieure devrait permettre de diminuer la dépendance de l’économie chinoise des exports, qui représentent aujourd’hui plus de 35% du PIB du pays.

Toutefois, l’urbanisation accélérée de plus de 18% de population comporte de très gros risques. Tout d’abord, avec l’économie mondiale qui ne redémarre toujours pas, les exports chinois vont continuer à ralentir. Par ailleurs, le boom de construction et la bulle immobilière chinoise vont finalement exploser, ce qui va détruire la consommation, surtout celle des 10% de la population la plus aisée vers qui vont 60% des revenus des ménages.

Ces risques sont d’autant plus importants que dans beaucoup de régions industrielles chinoises la « part » des employés dans le PIB local a diminué entre 1997 et 2007. Cette « part » représente la proportion de la production des provinces, distribuée en rémunérations (salaires) plutôt que attribuée au gouvernement ou au capital. Par exemple, à Guangdong, cette part a diminué de 49% à 39%, à Chongqing elle est passée de 57% à 48%, et à Sichuan de 56% à 46%. Les analyses démontrent le lien direct entre la diminution de ces « parts » avec l’augmentation des inégalités en Chine. Ce dernier phénomène crée de vrais problèmes face à l’ambition chinoise de diminuer sa dépendance de la consommation du monde extérieur.

Source de photo et d’image: Wikimedia

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Edouard DE BERLEAU

Édouard DE BERLEAU est un expert du domaine de la finance et tous les sujets connexes. Il a travaillé dans des grandes institutions et...

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