Créez confiance

Au cours de dernières années plusieurs faits surprenants sur les systèmes d’échange dans divers pays ont fait surface. Il s’avère que, notamment suite à la crise financière du 2007-2008, plusieurs régions et villes ont adopté leur propre monnaie, destinée à assurer les échanges économiques locaux. Il ne s’agit pas de phénomènes marginaux propres aux pays émergent, mais de zones économiquement actives dans les pays développés, comme, par exemples les villes britanniques Bristol ou Exeter. Par ailleurs, il semblerait que la ville de Paris planifie également de lancer sa propre devise dès 2017.

Qui dit « local », sous-entend « plus de confiance ». Est-ce que c’est ce manque de confiance dans le système d’échanges existants qui a également propulsé la popularité du bitcoin ? Ce dernier, généré par un vaste réseau décentralisé des ordinateurs, est initialement devenu connu grâce aux adeptes des jeux vidéo qui l’ont beaucoup utilisé en tant que devise virtuelle. La connaissance de cette devise s’est propagée auprès du grand public suite au nombreux média le présentant comme un moyen de blanchiment d’argent des activités criminelles, ainsi que comme une devise ayant des fluctuations du cours parmi les plus impressionnantes du monde.

Néanmoins, le bitcoin est l’une des inventions les plus importantes des dernières décennies. Reconnu par plusieurs organismes officiels (y compris l’Union Européenne) comme une devise à part entière, le bitcoin est à l’origine du développement de la technologie appelée « chaine des blocs » (blockchain).

De plus en plus de média attirent notre intention sur l’importance du « phénomène de bitcoin », au point où le vénérable The Economist dans son numéro du 31 octobre 2015 lui a dédié un rapport spécial.

Regardons plus en détail ce qui se cache derrière ce phénomène de bitcoin, car il est constitué de trois composants bien distincts :

  1. La devise Bitcoin
  2. La chaine des blocs qui génère cette devise
  3. La notion de « chaine des blocs » (blockchain) en tant que concept de fonctionnement.

Nous avons déjà parlé du premier composant de ce phénomène au moment où la bulle bitcoin devenait de plus en plus apparente. Ici nous allons nous arrêter sur les deux derniers.

Dans l’absolu, la chaine des blocs qui sert à générer le Bitcoin n’est rien d’autre qu’un Grand Livre comptable public partagé et digne de confiance. Tout utilisateur peut l’examiner, mais aucun ne peut le contrôler. Les participants du système de chaine des blocs gardent collectivement ce livre à jour : il ne peut être modifié qu’en suivant des règles très strictes et avec l’accord général. Ce journal empêche tout type de doublons dans les dépenses et enregistre en continu toutes les transactions. Ce sont ces faits qui ont permis de créer une devise sans l’autorité centrale d’un Etat ou d’un autre organisme de contrôle.

La chaine des blocs a créé beaucoup d’usages inattendus des technologies et des processus existants. Prenons, par exemple, la cryptographie classique. Lorsque vous créez un mot de passe sur un site marchand digne de respect, les algorithmes mathématiques de ce site le transforment en quelque chose appelé, en langage technique, le « hachis » – un code transformé jusqu’à la méconnaissance. Dans certains systèmes ce premier « hachis » est haché encore une fois, et peut être encore, et ainsi de suite… A la fin, plus personne à part vous-même, ne peut reconstituer votre mot de passe.

Le même principe est utilisé dans la chaine des blocs : l’information entrant dans le système est « haché » par un algorithme mathématique. Suite à cela toute tentative de toucher à la chaine des blocs ou à la trafiquer devient apparente, car le nouveau « hachis » ne va pas correspondre aux « hachis » précédents.

Ce phénomène permet une utilisation assez paradoxale de la technologue de cryptage destinée à garder les secrets (votre mot de passe) dans le domaine public. C’est justement cette technologie qui garantit l’intégrité du Grand Livre comptable ouvert à tous les utilisateurs de la chaine des blocs qui assure le fonctionnement du bitcoin.

A partir de cela nous obtenons un usage illimité du concept de chaine des blocs dans tout domaine où il la garantie de l’intégrité des enregistrements est primordial. Il s’agit de situation où il faut offrir aux personnes ou organisations qui ne se connaissent pas ou qui ne se font pas confiance, une possibilité de créer, dans le consentement le plus complet, un enregistrement immuable et contraignant, stipulant qui a le droit sur quoi. Le champ d’application de la chaine des blocs pour ce besoin est immense, car il apparait lors de tout type de transactions. Des milliers des start-up se sont déjà installées sur cette niche.

Parmi les utilisations de ce concept est, par exemple, la possibilité de créer des bases de données publiques peu chères, inviolables et impossibles à trafiquer, comme celles de cadastres. Il semblerait que la Grèce (où seulement 7% du territoire est correctement répertoriée) et le Honduras en soient intéressés. Ce dernier a déjà commencé son travail avec la start-up américaine Factom spécialisée dans le domaine.

Il est également possible d’utiliser la chaine des blocs pour l’enregistrement de l’appartenance des produits de luxe ou des œuvres d’art. L’acte notarial correspondant peut être validé en intégrant l’information à propos de l’appartenance de ces objets dans une chaine des blocs publique, en éliminant ainsi le besoin de validation d’un notaire.

Beaucoup de sociétés financières considèrent également l’utilisation du concept de chaine des blocs pour le recensement des propriétaires de chaque actif particulier, au lieu d’utiliser les Grands Livres internes. Un Grand Livre privé, dont l’intégrité est assurée par la technologie de chaines des blocs, supprime la nécessité de rapprochement de chaque transaction avec son pendant dans le sens opposé. Cette technologie est rapide, elle élimine des erreurs. D’après Santander, cela pourrait permettre aux banques d’économiser jusqu’à $20 milliard euros par an d’ici 2022. Vingt-cinq banques se sont réunis autour de la start-up R3 CEV, basée sur la technologie des chaines des blocs, afin d’élaborer des standards communs. En outre, le NASDAQ commence à utiliser cette technologie pour l’enregistrement du le trading des valeurs des sociétés privées.

De nouvelles chaines des blocs n’ont pas forcément besoin de reproduire à l’identique le fonctionnement de celle du bitcoin. Par exemple, le bitcoin utilise des capacités de calcul des ordinateurs des membres de sa chaine en les rémunérant en échange en bitcoins nouvellement créés. C’est une sorte de commission versée pour pouvoir maintenir le Grand Livre. Pour diminuer ce type des couts, il est possible de créer des réseaux privés des chaines des blocs, nécessitant moins de sécurité.

De plus, chaque système basé sur cette technologie peut implémenter ces propres règles de gestion stipulant, par exemple, qu’une transaction ne peut avoir lieu que si au moins deux parties y participant l’ont approuvé, ou uniquement si elle est précédée par une autre transaction.

La propagation de l’utilisation des principes de chaine des blocs doit être un signe inquiétant pour tous ceux qui sont impliqués dans le « business de confiance ». Il s’agit, notamment, des institutions et administrations centralisées, comme banques, chambres de compensation et autorités gouvernementales. Même si certaines banques et gouvernements explorent les possibilités d’utilisation de cette technologie, d’autres vont y former un front de résistance. Toutefois, compte tenu du déclin global de confiance envers les banques et les gouvernements, l’apparition des outils permettant de créer plus de surveillance et de transparence dans le domaine des transactions peut s’avérer être une bonne chose.

Source images : Wikipedia 1 & 2 & 3 & 4 & 5

 

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